lundi 9 septembre 2019


Une noisette, un livre


 Kintu

Jennifer Nansubuga Makumbi





Un geste et toute une lignée semble subir pendant des siècles un mauvais sort, une malédiction. Kintu, gouverneur d’une province du Buganda au dix-huitième siècle gifla, presque par inadvertance, son fils adoptif qui mourut juste après. Depuis, tous les descendants semblent être voués à la même fatalité face aux morts brutales et aux drames continus.

C’est ainsi que l’on suit les traces de Kamu, brutalement assassiné alors qu’il sortait du domicile d’une de ses compagnes,  Suubi, une femme harcelée par sa mystérieuse sœur et perdue dans ses mensonges par rapport à ses parents ; Kanani un fanatique religieux de la congrégation des réveillés et ses deux enfants jumeaux inséparables ; Isaac au parcours atypique, se retrouvant veuf avec un garçon de quatre ans et qui pense être porteur du VIH ; Miisi, celui qui sait, qui à étudié à l’étranger et qui refuse de croire à toutes les superstitions mais qui pourtant est hanté par des visions.

Une galerie de personnages autour desquels évoluent enfants et autres membres de la famille jusqu’au rassemblement finale où l’on retrouve tous les protagonistes autour de l’esprit du village de Kiyiika avec les réponses à toutes les questions que le lecteur peut se poser tout le long du déroulement de cette saga chorale.

Ce roman, proche d’un esprit biblique, où se mêlent fiction réaliste et légendes, récit et conte, est une formidable palette pour s’immerger dans ce territoire africain du Buganda, royaume du peuple baganda au sein de l’Ouganda entre ses multiples clans et ses différentes ethnies, ces territoires découpés de façon arbitraire par les colonisations… C’est aussi un pan de l’histoire géopolitique qui est savamment soulevé par les divers paragraphes consacrés au tristement célèbre Amin Dada. Même si l’histoire va bien au-delà, contrairement à d’autres récits sur l’Ouganda.

L’écriture de Jennifer Nansubuga Makumbi est foisonnante et fait de ce premier roman une richesse littéraire en confirmant le talent du peuple africain pour narrer leur pays et se démarquer par l’extraordinaire franchise de leurs écrits. Aucune concession, aucun tabou écarté, laissant les effets sentimentaux sur le bord de la route pour plonger dans les méandres impitoyables de la vie et de la mort. C’est puissant comme chaque destin des personnages et sans aucun doute, une première pierre de posée pour Jennifer Nansubuga Makumbi chez qui se dessine un avenir radieux.

« Là, assis par terre dans le salon, Isaac jouait avec un énorme serpent. Celui-ci s’enroula autour de sa taille alors qu’il se mettait à quatre pattes ave un rire joyeux. Puis Isaac souleva son buste du sol et resta en équilibre sur les mains et les orteils. Le serpent le caressa avec ses anneaux, s’enroula autour de son ventre et remonta le long de sa poitrine jusqu’à se trouver devant son visage. Isaac lui tira la langue et s’écroula à nouveau de rire lorsque le serpent l’imita ».

« Mais la honte le submergea ensuite et il refoula ses larmes en clignant des yeux. Il se dit qu’aucun être humain ne devrait être déchiré ainsi entre le bien et le mal, la justice et l’injustice, comme lui l’était à ce moment là. Il avait besoin de quelqu’un, d’un objet, de quelque chose à blâmer, mais tout ce qu’il pouvait trouver dans cette pièce était la tristesse ».

Kintu – Jennifer Nansubuga Makumbi – Traduction céline Schwaller – Editions Métailié – Août 2019

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