Une noisette, une rentrée littéraire #5
Une piscine dans le
désert
Diane Mazloum
A
deux heures de route de Beyrouth, un village surgit des montagnes. Comme le
bout du monde et pourtant, derrière les roches et ce point de rencontre de trois
pays, la guerre est omniprésente ; le soir on entend les bombardements et
le terrain est probablement miné. Là, pendant deux mois, séjourne Rodolphe
Kyriakos où il est rejoint de temps en temps par sa nièce Fausta. C’est elle
qui a voulu faire construire une piscine, malgré le manque d’eau, malgré que
le domaine n’appartient pas à la famille. Les propriétaires habitent le Canada
mais un jour, un cliché leur est envoyé. Bendos père envoie son fils Leo sur
place pour négocier la vente de la propriété. Mais Leo est bouleversé à son
arrivée : pour la première fois de sa vie, il voit, il hume la terre de
ses ancêtres.
Pendant que Rodolphe regarde, supervise, Leo et Fausta vont jouer au chat et à la souris. Puis progressivement échanger sur leurs pensées noyées dans l’incertitude de la vie. Fausta est mariée et suit un traitement pour avoir un enfant. La dernière injection est proche, celle de la dernière chance. Obsédée par la mort, Fausta tente de calmer ses angoisses, l’eau est un réconfort, ce pourquoi elle a voulu une piscine. Leo est abasourdi par la magnificence du paysage, la nature qui explose sous ses pas, la terre, le soleil, les cailloux, le ciel, les étoiles. Il découvre un pays dont les gènes coulent dans ses veines. Le poids d’une identité.
Un roman un peu hors du temps, entre ombres et lumières, baroque et ascétique. Un univers fellinien où l’on retrouve la banalité et le rêve, l’irréel et le réel, l’instant présent se confondant avec les souvenirs, le concret chevauchant l’abstrait et inversement.
La
plume de Diane Mazloum est tout aussi envoutante ouvrant une large fenêtre sur
cette terre faite de beauté, de grandeur et de tragédies. L’histoire se termine
de façon sibylline, renforçant le sentiment d’étrangeté, à l’image d’une
piscine dans le désert.
« De temps à autre, Fausta jetait un œil sur Leo qui lui donnait l’impression de vouloir attraper tout ce qui l’entourait. Il suivait du regard les tiges de fleurs plantées dans des bidons troués ou de vieilles boîtes de conserve, l’enchevêtrement de plantes et de fils électriques huilés de lumière, les tuyaux d’arrosage translucides qui longeaient les murs, traversaient les rues et grimpaient aux toits. Tout ce qui aurait été peu gracieux et désagréable ailleurs était ici chargé d’une allure poétique ».
« Malgré la petitesse de l’objet, il passa la pulpe de son pouce dessus. C’était une peau, sans peinture ni rien. Il regarda Fausta. Elle était faite d’os et de chair, de moelle et de nerfs remplis de sang. Captivé, Leo voulait furieusement l’effeuiller jusqu’à découvrir ce qui lui importait vraiment, tout comme il pouvait desquamer le petit carreau au bout de l’ongle. Il sursaute quand il eut l’impression que, sous l’effet de son doigt, le carreau avait frémi comme s’il avait eu la chair de poule ».
Une piscine dans le désert – Diane Mazloum – Editions JCLattès – Août 2020 – Rentrée littéraire 2020
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