mardi 30 août 2022

 

Une noisette, un livre
 
Le colonel ne dort pas
Emilienne Malfatto

 

(© Squirelito)

Quel est ce colonel d’un pays en guerre qui pourrait être situé aux quatre points d’une terre qui ne tourne plus rond mais dans le vide et le néant… Seuls les éléments se sont mis en phase avec le déroulement de ce semblant de vie : brouillard pour dissimuler ces hommes qui deviennent des choses sous les incessantes tortures et pluie pour lessiver l’horreur sanguinaire.

Personnage sombre qui n’arrive plus à trouver le sommeil. La nuit ses victimes reviennent le hanter. Double angoisse avec la vue de ces spectres qui refusent d’en dire davantage et l’amère constat de faire son travail, une carapace ayant étant depuis longtemps ficelé dans son cerveau. Pourtant, en constatant ce qui se passe autour de lui, il doute. Il devient inutile malgré son attachement à son statut de militaire, de militaire en guerre. Mais contre qui, contre quoi ? Personne ne le sait. Le lecteur aura la réponse.

Une écriture excessivement poétique pour décrire l’ignominie d’un conflit et la vacuité de ses objectifs. Autant comme la guerre est laide, autant comme ce roman est beau. Une dichotomie qui ne fait que corroborer la force de ce texte.

Emilienne Malfatto a eu la délicatesse d’évoquer le crime de guerre sans en faire de sinistres descriptions qui, bien souvent, entretiennent davantage la morbidité et le voyeurisme que la compassion. Un court roman mais grandiose par la puissance des mots pour dénoncer l’absurdité et l’abomination des guerres et de tout ce qui en découle.

Le colonel ne dort pas – Emilienne Malfatto – Éditions du sous-sol – Août 2022

lundi 29 août 2022

 

Une noisette, un livre
 
Trouver refuge
Christophe Ono-Dit-Biot

 

Abbaye de Noirlac - 27 août 2022 © Squirelito

Sacha est un homme heureux. Amoureux de sa femme Mina et prêt à tout pour que leur Irène soit la plus heureuse des petites filles. Sauf que la République française a changé de visage depuis l’arrivée à l’Elysée d’Alex surnommé Papa, un identitaire pur jus. Quoique. Dans sa jeunesse, son esprit a été plus ouvert ; Sacha le connait bien, très bien même. Journaliste de son métier il va lâcher sur un plateau télé « pourtant Alex n’a pas toujours été comme ça ». Coup de tonnerre dans les allées du pouvoir qui va tenter aussitôt une intimidation pour que LE secret ne soit pas révélé. Plus qu’une seule solution pour le couple : fuir, s’exiler. Le mont Athos s’avère la destination idéale selon Mina, professeure d’histoire et spécialiste de la période byzantine. Sauf que la montagne sacrée est interdite à toute femme et à toute femelle… Comment le couple va pouvoir sortir de ce guêpier, comment protéger leur fille ? Et quel est ce terrible secret du chef de l’État ? Et si l’empyrée devenait source de lumière sur terre…

Christophe Ono-Dit-Biot a l’art d’emmener ses lecteurs au pays du soleil même quand des ombres surgissent au cours de ce périple livresque à couper le souffle. L’écrivain journaliste puise inlassablement  dans les bases de l’Antiquité, s’entoure du passé pour ériger l’avenir, n’hésite pas à lancer subtilement un coup de glaive pour décrire les errements de notre époque contemporaine – coucou le wokisme, coucou les mesures « confinement » – s’enivre de fragrances méditerranéennes pour les faire jaillir des pages au fur et à mesure de la lecture, parsème malicieusement son récit de touches sensuelles, offre un nouveau reportage sur la communauté monastique du mont Athos et – peut-être la marque de fabrique numéro 1 – offre une sublime ode au pouvoir de la transmission.

La relation de Sacha avec sa fille est plus que touchante, tellement bien décrite que d’aucuns peuvent imaginer les voir en train d’escalader le flanc de la montagne sacrée ou se jeter dans la mer pour un bain d’immortalité. Le tout sous la bienveillance des classiques, pardon des antiques, plus modernes que jamais. Personnellement, je me suis revue au même âge qu’Irène lorsqu’avec mon père nous échangions en vacances de longs discours allant de la préhistoire à la route de la soie en regardant le soleil se lever sur les neiges éternelles alpines.

N'oublions pas non plus le portrait dessiné à la fine plume de Mina, personnage probablement  la plus solaire du récit, et, dotée d’un tempérament comme si né sur Mars. La sémantique n’est jamais le fruit du hasard et ce qui parait facile a certainement nécessité un long travail de construction.

En refermant ce roman, une citation de Cicéron m’est venue à l’esprit : « L’histoire est le témoin des temps, la lumière de la vérité, la vie de la mémoire, l’institutrice de la vie, la messagère de l’antiquité ».

« Trouver refuge », une « philocalie » laïque pour continuer à croire encore au merveilleux, et, à la force insoupçonnable de l’âme humaine quand elle est auréolée d’amour et de tendresse.


« On croit les choses impossibles jusqu’à ce qu’elles se produisent »

« En apparence, ils étaient libres. Les restaurants et les cafés étaient ouverts et l’on circulait à sa guise, du moins quand on n’était pas étranger, et à condition d’avoir son ordiphone en poche. Car on devait pouvoir vous joindre à tout moment, c’était pour votre bien. L’application obligatoirement téléchargeable avait été conçue pendant la dernière vague d’épidémie. Les gens ne s’en plaignaient pas puisque c’était pour leur bien ».

« Sacha avait aussi pour mission de débloquer l’imaginaire des scénaristes quand ils séchaient. Il jouait ainsi le rôle d’un viagra dramaturgique, puisant sans se gêner dans l’Histoire où il n’y avait qu’à se servir ».

« Les monastères se succèdent. Châteaux forts de la foi ».

« Apprendre c’est aussi jouir ».

« Les parfums bientôt enveloppent l’homme et l’enfant. Ceux des buissons de myrte, enivrants comme de l’alcool. Ceux de la terre chauffée par le soleil. Ceux de la mousse encore étourdie de rosée à l’ombre des arbres. Au-dessus de leur tête, les branches tamisent la lumière et la réduisent en une poussière dorée. Dorées aussi sont les taches jaunes que font les citrons dans les feuilles vertes. C’est d’une beauté puissante et toute simple, une synthèse de tout ce que la nature recèle en ces latitudes, quand l’homme la laisse tranquille ».

Trouver refuge – Christophe Ono-Dit-Biot – Éditions Gallimard – Août 2022

jeudi 25 août 2022

 

Une noisette, un livre
 
Ma théorie sur les pères et les cosmonautes
Pauline Desmurs

 

(Canal de Berry - 25 août 2022)

Noé n’est pas un petit bonhomme ordinaire. Très affecté par le décès de Beatriz, la compagne de sa maman - d’autant plus qu’il est déjà psychologiquement fragilisé par un père fantôme et l’absence d’amis, excepté la fille de la voisine et un certain Alexandre, un vieux monsieur sibyllin qui hante les cimetières – il se noie dans l’imaginaire tout en gardant un pied sur terre. Une dichotomie confondante qui va porter le lecteur vers l’univers du jeune adolescent qui voit une lueur réelle apparaitre lorsqu’il rencontre Patrice pour un atelier cinéma. L’art va permettre de catalyser les idées du jeune garçon ; idées certes saugrenues mais délicieusement créatives. Avec l’aide indirecte de Claude Chabrol…

Un premier roman très prometteur pour la jeune Pauline Desmurs – 21 ans ! Elle s’immisce parfaitement dans l’esprit du garçon avec des mots choisis qui virevoltent sans cesse entre un monde abstrait et un monde concret. Tout ce qui tourne autour du deuil est évoqué avec beaucoup de tact et chaque réflexion est judicieusement amenée. Point d’orgue : le mode d’emploi pour une révolution avec le rire (page 100 s’il vous plait). Quant au cinéma, il fait partie de cette forme d’art qui peut mener vers la résilience grâce à son pouvoir créatif. Car créer c’est vivre.

 

Ma théorie sur les pères et les cosmonautes – Pauline Desmurs – Éditions Denoël – Août 2022

Roman lu pour le Prix Littéraire de la Vocation 2022

mardi 23 août 2022

 

Une noisette, un livre
 
Les liens artificiels
Nathan Devers

 


Julien Libérat n’a pas la vie qu’il espérait. En rupture avec sa compagne May, il survit dans son petit appartement de Rungis avec ses maigres revenus de pianiste. Admirateur inconditionnel de Serge Gainsbourg il ose franchir le pas du monde virtuel lors de la création du plus grand Métavers du monde, Heaven, tout juste créé par un ogre des temps modernes Adrien Sterner dont les états d’âme sont depuis longtemps enfouis sous des millions de gigaoctets. Julien devient Vangel et la course à la reconnaissance commence. Vangel rencontre le fantome de Gainsbourg, voyage, devient riche, loge dans des palaces et… devient célèbre grâce à un poème sulfureux. Mais jusqu’où le virtuel peut aller ? Jusqu’où ce Narcisse du XXI° siècle va pousser la contemplation de son image créée en un click ? Icare n’est sans doute pas loin…

Brillante dystopie écrite par le non moins brillant Nathan Devers et qui met en mode alerte notre course effrénée vers la technologie et ses dérives en analysant méticuleusement les ficelles agitées par des diables cherchant celles et ceux prêts à vendre leur âme pour quelques heures de reconnaissance et d’évasion dans cette société où l’humain devient progressivement un élément jetable sous la caméra des égos. Pas évident de se chercher, de se trouver dans cet univers ou les rives de la réalité et du virtuel se rejoignent inexorablement.

L’écrivain philosophe invente un mot judicieux pour décrire combien l’homme et son ordinateur longent un couloir dont le fil entre les deux est de plus en plus ténu : « homminateur ». Avec le risque que ce soit la machine qui engloutisse la personne. Cette vie plongée à l’intérieur de l’autre vie est bien plus qu’une double vie. Elle est le début de la fin dans une société où l’homme est le contraire de lui-même ; refusant l’aliénation il se jette dans les griffes du virtuel dans une mythomanie encouragée.

Noisette sur le livre, la plume de Devers est pétillante, fait preuve de légèreté pour un sujet qui ne l’est point et saupoudre d’humour les errances de ce monde.

« Qu’il s’agît des Évangiles ou de Platon, de saint Thomas ou de Marx, la civilisation occidentale n’avait fait que sublimer son désir de paradis. Tantôt ce paradis prenait la forme du monde des idées, tantôt d’un tableau de Michel-Ange ou d’une utopie collectiviste. Parfois on l’appelait sagesse, parfois démocratie directe et parfois cité de Dieu. Mais le principe demeurait identique : l’espèce humaine habitait l’univers en essayant par tous les moyens de modifier les conditions de son existence. De génération en génération, elle s’était un peu arrogé la place de ses dieux, tâchant d’aller au-delà de la réalité, d’accéder à une autre existence. Surmontant les entraves terrestres, elle se construisait en permanence en monde substitution : une sorte d’antimonde. Seulement, ce que Jean et les penseurs d’hier ne pouvaient pas savoir, c’était que cette apocalypse ne serait pas l’œuvre d’une quelconque providence, mais qu’elle émanerait de la programmation informatique. L’écran était le ciel, internet incarnait le Tout-Puissant et le numérique déployait la genèse d’une nouvelle histoire. D’ici quelques années, l’Antimonde sortirait du néant où il avait germé ».

Les liens artificiels – Nathan Devers – Éditions Albin Michel – Août 2022

vendredi 19 août 2022

 

Une noisette, une enquête
 
Crime au château sur la Route Jacques Cœur

 


Samedi 13 août, votre serviteur s’en est allé vers un territoire inconnu pour découvrir les jardins du château de Pesselières situé à Jalognes aux portes de Sancerre. Rassurez-vous, l’écureuil est resté sobre et il valait mieux vu les émotions au cours de la soirée.

Lieu bucolique et romantique par excellence, les photos du site étaient d’une tentation extrême mais une fois que vos pattes foulent en vrai cette terre sancerroise, un éden s’ouvre à vos yeux entre la richesse patrimoniale et l’exubérance des variétés florales et arboricoles.

C’est Valérie qui accueille chaleureusement le groupe de visiteurs devant les grilles du château mais, à notre grand étonnement, nous avons quelques difficultés pour y entrer : la gouvernante s’y oppose fortement ; après une longue journée de labeur elle n’a pas envie de devoir s’occuper d’une colonie de curieux surtout que ses émoluments n’augmentent guère ces derniers temps. Néanmoins, elle consent à nous laisser passer grâce à l’intervention du maire du village et de son épouse ; nous découvrons alors la grandeur du domaine  sous les explications historiques de la guide du jour. Point d’orgue de la visite : le labyrinthe où nous attend la paysagiste en chef, pas franchement aimable. Probablement ambiance locale vu que depuis une large fenêtre du château chacun assiste à un échange houleux entre la gouvernante et le propriétaire, pas franchement aimable non plus lorsque depuis son perchoir il demande un contrôle de nos billets. C’est alors que surgit comme une tigresse Marie Capucine, artiste plasticienne de son état, pour exposer son projet artistique à responsabilité environnementale. Là, le doute m’envahit, la beauté environnante semble favoriser les positions perchées des esprits. Surtout que le maire a également une idée de développer un pèlerinage façon Lourdes… Nouvelles invectives entre, cette fois, l’artiste et le propriétaire avec menaces à son encontre, ce qui n’empêche aucunement le bipède de passage de se pâmer devant les plantations aux multiples fragrances qui ne subissent aucun traitement chimique.

Retour vers le château dans une herbe – j’ai bien dit de l’herbe, façon prairie et point de pelouse pour éviter des pratiques agressives – où l’on voudrait communier pattes nues avec des cieux offrant à cette heure du jour une colorimétrie digne de la plus prestigieuse des pinacothèques. Seulement effroi en arrivant aux escaliers de la demeure : le propriétaire gît sur les marches. Empoisonnement à la ciguë selon les premières constatations. La visite s’arrête, le groupe ayant été presque témoin du crime, chacun va devenir enquêteur en interrogeant les suspects. Bref, non seulement le lieu n’est pas sûr mais en plus on vous fait travailler ! Chaque petit groupe formé présente le résultat de l’enquête avant que Gaël – à l’origine de la création de cette série de Cluedo in situ et qui en écrit les scénarios – reprenne ses brillants habits d’animateur de la Route Jacques Cœur et nous révèle le nom du meurtrier.

Applaudissement, sourires de satisfaction parmi toutes les personnes présentes qui dans la douceur de la nuit venue continuent à palabrer autour d’un verre. Pour le meilleur et pour le rire car la bonne humeur était l’invitée principale de la soirée.

Amateurs ou non de polars, je ne peux que vous conseiller – si vos pas vous portent dans le Berry – que d’assister à ces animations qui ont lieu une grande partie de l’année sur les sites de la Route Jacques Cœur et qui permettent de pénétrer au cœur de l’Histoire tout en s’amusant. Noisette sur le gâteau, tout est fait pour que la convivialité soit à son climax grâce à une organisation parfaitement maîtrisée, des intervenants bienveillants sous la bénédiction des âmes qui ont créé ces lieux devenus historiques puis entretenus par des passionnés de beauté et de patrimoine. Que demander de plus !

 Ont eu la plaisir de participer à cette soirée :

 Sylviane Sarriot de la Compagnie A feux croisés dans le rôle de Marie Capucine

Annie Pinoteau dans le rôle de la gouvernante

Brigitte Shrubsall  dans le rôle de l’épouse du maire

Céline Pechart dans le rôle de la paysagiste

David Ledrich dans le rôle du maire

Valérie Colfort, directrice de l’office de tourisme du Grand Sancerrois, la guide animatrice

Gaël Chênet, animateur/organisateur de la Route Jacques Cœur et concepteur de « Crime au château », dans le rôle du propriétaire

Les décors sont de Patrice Taravella (créateur également des Jardins d’Orsan), de la paysagiste Pascale Marq, du jardinier en titre Joël remplaçant Jonathan Champion parti à l’abbaye de Noirlac et du propriétaire du domaine : Pascal Fontanille.

Pour les costumes, on ne sait s’ils ont été créés par Donald Cardwell…

 

🐾Pour toute information sur le château et les jardins de Pesselières, suivre la flèche https://www.chateau-pesselieres.com/

🐾Pour toute information sur la Route Jacques Cœur et connaître les dates des prochains « Crime au château », suivre l’autre flèche https://route-jacques-coeur.com/ et https://route-jacques-coeur.com/crimes-au-chateau/




 

 

jeudi 18 août 2022

 

Une noisette, un livre
 
La domestication
Nuno Gomes Garcia

 


Autant prévenir, ce roman est une dystopie effrayante mais avec l’immense mérite de décrire à la perfection le cercle vicieux et incontrôlable de tout extrémisme idéologique, et, de soulever moult interrogations, notamment celle de la réactivité lorsque les rôles sont inversés.

Une Nouvelle République est née dans l’ancienne France après l’hécatombe du Grand Fléau avec une nouvelle devise : sécurité, uniformité, sororité. Césarine dirige le pays avec une main de fer sans y mettre un morceau de velours. Mais c’est pour le bien-être de ses habitantes. Habitantes car l’homme est devenu quantité négligeable ne servant qu’à donner sa semence – par procréation artificielle dans des bocaux puisque toute fornication est devenue un crime –, être au service de la femme pour toutes les tâches subalternes en devant porter un cache-tout dès qu’il apparait en public, même si accompagné d’une femme. La musique est considéré comme antisociale, rire est mal vu, le patrimoine détruit pour purification, et, cela va sans dire, l’amour n’existe plus. Toute ressemblance avec un ou des pays existant(s) n’est absolument pas fortuit…

Francine Bonne est apparemment une citoyenne heureuse dans ce qui est considéré comme le meilleur des mondes. Jusqu’au jour où la stérilité de Pierre, son mari, ne fait aucun doute. Moyennant des pièces sonnantes et trébuchantes Francine va pourvoir le garder lorsqu’elle va aller en choisir un second au marché des hommes. Sauf que les problèmes vont commencer : Jean est un homme différent : apparence masculine, beau et avec une virilité qui détonne dans ce monde sans sensualité. Dans cet état où toute liberté de penser est sévèrement réprimé, où le droit de vie et de mort pour les hommes est légal, comment Francine et ses deux maris vont pouvoir transgresser les codes…

Un roman – sur fond de thriller politique – engagé, résolument féministe qui maltraite la gent masculine pour mieux dresser les conditions de vie des femmes soumises et interdites de vie sociale. Combien l’effet contraire se produit lorsque des dirigeants décident de surprotéger sa population et de mettre à l’index un sexe, une religion, une ethnie. La dictature est l’unique gagnante. Nuno Gomes Garcia réalise une œuvre dérangeante mais ô combien percutante ! Même la forme d’écriture est poussée à l’extrême, le retour de la règle de proximité est judicieuse mais l’ultra féminisation de la sémantique montre ses limites comme page 152 avec « journaleuse » pour journaliste alors que ce mot est épicène et que « journaleux » porte un tout autre sens. Cela dit, existe-t-il encore des journalistes dignes de ce nom au sein de ce nouvel État indignement nommé "République" ? 

« Francine se demanda si l’ironie qui aigrissait sa voix avait été correctement interprétée par la médicienne. Le paiement des vingt mille francs exigés pour l’établissement du faux rapport médical avait moins entamé ses finances que sa dignité de femme ».

« L’Institut des maris le plus proche d’Andrésy se trouvait à Versailles, près de l’ancine château transformé en hôpital. Avec ses statues obscènes de mâles exposant leurs attributs virils, l’extravagance dorée du passé témoignait par trop de la décadence dans laquelle était tombée l’humanité avant le Grand Fléau. L’édifice monumental avait donc été purifié et débarrassé de ses ornements honteux ».

« Les femmes d’Andrésy et du reste de la France se ressemblaient toutes avec leurs cheveux invariablement blonds et leurs yeux unanimement bleus. A l’âge adulte, elles atteignaient le calibre réglementaire déterminé en laboratoire : un mètre soixante-quinze pour un maximum de soixante-cinq kilos. Quiconque excédait ce poids était envoyée en Centre de rééducation jusqu’au retour de la norme ».

La domestication – Nuno Gomes Garcia – Traduction : Clara Domingues - Éditions iX – Mai 2022

 

 

  Noisette imaginaire   Le pays de Rêve David Diop Quelque part en Afrique une très belle jeune fille vit avec sa grand-mère dans des ba...