mardi 29 novembre 2022

 

Une noisette, un livre
 
Hommes des tempêtes
Frédéric Brunnquell

 


La mer qu’on voit danser, c’est beau et poétique. Celle du bord des plages où elle scintille de mille éclats et fait respirer cette fragrance unique des embruns. Mais la vraie mer, le véritable océan est tout autre. C’est un milieu hostile que nul homme ne pourra dompter. C’est aussi le lieu de travail de centaines d’hommes qui embarquent pendant plusieurs mois. Au péril de leur vie.

Le journaliste Frédéric Brunnquell a embarqué sur le Joseph Roty II, un chalutier à l’ancienne mais solide, construit dans la Pologne communiste de Solidarnosc. Avec lui une cinquantaine de marins, du cuisinier au capitaine, tous unis dans la quête au merlan bleu, ce poisson servant de base pour le surimi. Quand vous en aurez dans votre assiette et, après avoir lu ce livre, vous ne le mangerez plus de la même façon. Si chaque homme est bien payé pour cette pêche au long cours elle a prix ; celle de rester éloigné de la terre et des siens pendant de long mois, d’endurer l’humidité, le vacarme, la promiscuité, la solitude et surtout d’affronter de redoutables tempêtes avec des vaques de plus de quinze mères de haut. À chaque fois, une épopée. Au retour, l’anonymat absolu. Ils sont pourtant des héros.

Un ouvrage passionnant où le lecteur se retrouve pris dans cet espace houleux. Leçon d’humilité et admiration pour cette confrérie multiculturelle qui pourrait disparaître peu à peu. Déjà, à l’intérieur, la vie en quelques année a changé : parties de cartes et discussions endiablées ont été balayées par les écrans et autres consoles laissant à chacun un enfermement dans un enfermement. Le tabac lui est toujours au rendez-vous. Frédéric Brunnquell brosse des portraits attachants, émouvants. De très belles pages d’humanité.

« Ces marins, leur univers pue, il est trop sale, trop gras, trop rouillé, pas assez glamour ni sponsorisé pour mériter l’attention. Ces marins vivent chaque année neuf mois sur l’océan, ils n’ont jamais vu les arbres en fleurs des printemps à terre, ils sont absents pour la naissance de leurs enfants, mais ils racontent la condition humaine, le goût des hommes pour l’ailleurs, le besoin de fierté, celui des rêves inaboutis, et l’obsession de la conquête qui se paie de tant de douleurs ».

« La peur est faite pour rester à quai ».

« Nous ne sommes rien dans cet infernal chaudron. Le vent et la mer ligués nous rappellent notre juste place. Nous ne sommes pas là pour vaincre, mais pour survivre. J’aime cette leçon qui nous rappelle les valeurs de l’humilité et de l’endurance. La nature nous apprend que pour avancer il faut savoir composer avec elle, lentement tirer des bords pour contourner les obstacles ».

Hommes des tempêtes – Frédéric Brunquell – Éditions Pocket – Octobre 2022

mardi 22 novembre 2022

 

Une noisette, un livre
 
Avant la fin du monde
Laurent Decaux

 


Vittorio de Mussi se meurt, la gangrène aura le dernier mot. Mais avant de passer de vie à trépas, le vieil homme veut justement poser des mots sur son existence et rendre hommage à son père, le vaillant capitaine Daniele de Mussi ; tous deux avaient été contraints d’embarquer à bord d’une galère de la marine génoise, le « Pompée ». Un capitaine qui pourtant ne voulait plus prendre la mer après la tragédie du « Cicéron » où des centaines d’hommes avaient perdu la vie en s’écrasant contre la roche. Mais, l’existence n’est pas une longue navigation tranquille ; en plus de devoir affronter les tempêtes, les attaques ennemies… la peste noire sévit dans la colonie génoise de Caffa, porte d’entrée de l’épidémie en Europe en 1347. Vittorio écrit son épopée sous le regard bienveillant de sa femme Maria, un amour infini, rare au XIV° siècle.

Roman historique par excellence, Laurent Decaux signe une histoire basée sur « les semeurs de peste » lorsque les Mongols décident de répandre le fléau dans cette partie de Crimée, étant eux-mêmes atteints par ce mal qui décimera un tiers de la population occidentale. Nonobstant, la peste est un prétexte romanesque pour dresser un formidable portrait d’un père et son fils dans les turbulences italiennes du Moyen Âge, vaillants marins face aux tragédies humaines et aux trahisons. Personnages solaires versus personnages crépusculaires.

Roman qui fait subtilement écho à notre contemporanéité, l’oriflamme de la peur et la menace permanente pour assouvir un peuple et les conflits intérieurs des arrivistes qui finissent par provoquer le chaos ; si l’union avait toujours fait la force toute la face du monde aurait été apaisée.

Vittorio de Mussi ou un Angelo Pardi médiéval.

 

Avant la fin du monde – Laurent Decaux – Éditions Albin Michel – Octobre 2022

mercredi 16 novembre 2022

 

Une noisette, un livre
 
La petite menteuse
Pascale Robert-Diard

 


Roman fort intéressant qui contrebalance le mouvement MeToo sans, heureusement, le remettre en cause. Mais il permet juste de faire la part des choses, de faire comprendre que sans une connaissance d’un dossier d’instruction il est impossible de juger qui que ce soit et qu’un témoignage à charge peut s’écrouler en une seconde.  

Lisa Charvet veut changer d’avocat. Elle veut que ce soit une femme. Un homme est en prison pour crime, il l’a violée. Elle ne l’avait révélé à personne sauf à une camarade de classe qui l’accusait d’être une salope avec les mecs (la fameuse solidarité féminine). Sauf qu’elle n’a pas été violée et veut enfin rétablir la vérité. Pour la nouvelle avocate Alice Keridreux, défendre sa cliente prend un tout autre tournant, le dossier est à réviser complètement et ses adversaires ne vont pas la ménager. Peu importe. Son travail est d’accompagner, de protéger. Elle n’est pas juge, elle est avocate. Et au-delà de tout, comprendre ce qu’est un engrenage, jusqu’où ça peut mener.

Si ce récit n’a pas de réelle valeur sur le plan littéraire – contrairement aux chroniques de la journaliste – il est au contraire très riche sur le plan sociétal et dresse des portraits psychologiques qui remplissent les tribunaux. Fine analyse du difficile travail des magistrats, Pascale Robert-Diard peut en parler ; elle est chroniqueuse judiciaire depuis vingt ans au journal Le Monde pour suivre non seulement les grandes affaires du glaive et de la balance mais aussi tout le quotidien de la magistrature. Un regard aigu, humain, loin des agitations en tout genre et qui apporte un souffle de vérité et…de justice.

La petite menteuse – Pascale Robert-Diard – Éditions L’Iconoclaste – Août 2022

mardi 15 novembre 2022

 

Un écrivain, un monument
Jean-Christophe Rufin au Palais Jacques Cœur 

Le Palais Jacques Cœur à Bourges 


✨✨✨Heureuse conversation le 5 octobre dernier à Bourges autour de Jean-Christophe Rufin et Aude Cirier qui avaient accepté mon invitation de venir au palais Jacques Cœur pour parler de l’ouvrage consacré à l’écrivain médecin paru chez Quarto Livres des Éditions Gallimard.

"Aventures heureuses" est plus qu'un livre. C'est un compagnon qui vous fait voyager du Brésil jusqu'à l'île de Madagascar en passant par l'Abyssinie. C'est un conteur qui narre l'histoire du monde avec des accents contemporains. C'est un biographe qui remet en lumière des personnages parfois trop oubliés. C'est un humaniste qui observe et porte un regard empathique sur les autres. C'est un peintre qui colore les mots. C'est un humain, il s'appelle Jean-Christophe Rufin. Pour honorer le médecin, l'écrivain, le diplomate, la directrice éditoriale de la collection Quarto a convoqué toutes les énergies pour retrouver moult documents et photos, rechercher les manuscrits d'origine et faire appel à d'autres plumes comme celles de Sylvain Tesson, Isabelle Autissier, Éloi Ficquet, Frank Lestringant et Cédric Michon. 

Jean-Christophe Rufin


Lors de cette soirée, l'académicien a évoqué ses motivations littéraires, le besoin de soulager les esprits de ses lecteurs par des récits lumineux, la recherche des "artifices romanesques", les dangers du fanatisme, et, évidemment, la personnalité de Jacques Cœur, peut-être présent parmi nous, lui l'alchimiste berruyer. Grâce à la présence d'Aude Cirier, chacun a pu découvrir comment fonctionne cette collection, les différences entre elle et sa sœur aînée La Pléiade et voir combien son métier est une passion. 


Salle comble pour  Jean-Christophe Rufin et Aude Cirier



🖥️La rencontre ayant été filmée grâce à la Ville de Bourges, la vidéo est disponible à l'infini sur leur page Facebook avec ce lien direct 

➡️ https://www.facebook.com/mairie.bourges/videos/422994926439165 (ne commence qu'à 10'30 environ)

🙏 Merci infiniment aux participants, à Elisabeth Braoun, administratrice du Palais Jacques Cœur, à Caroline Boutrelle chargée de communication, à Gaël Chênet de la route Jacques Cœur , à la Ville de Bourges, à Benoist Chaussé et à Mick pour la captation de la rencontre.

🙏 Merci également au public présent sur place ou via les réseaux sociaux, merci pour tous vos nombreux retours.

Vive la littérature, vive le patrimoine ! 📚🏰

📷 Squirelito et Gaël Chênet

Avant la rencontre, Jean-Christophe Rufin et votre serviteur



Aventures heureuses dans la Salle des Festins du Palais Jacques Cœur

mercredi 9 novembre 2022

 

Une noisette, un livre


Madame Claude, le parfum du secret
Erwan L’Éléouet

 


Qui n’a pas entendu parler de Madame Claude ? Peu de personnes, même celles nées au XXI° siècle. Par contre qui connait Fernande Grudet ? Madame Cook ? Ou encore Madame Tolmatschew ? Quatre patronymes pour une seule femme, quatre patronymes pour un caméléon, quatre patronymes pour une mythomane, quatre patronymes pour une quasi légende. Sexe, mensonges et liaisons dangereuses.

Après avoir signé deux remarquables ouvrages sur Renaud, puis Bernadette Chirac (chroniques à retrouver ici et ici), Erwan L’Éléouet a repris la plume entre quelques documentaires audiovisuelles pour nous raconter la vie de la plus célèbre proxénète de la seconde moitié du XX° siècle en France.

Née dans l’anonymat en 1923 à Angers, elle décède dans le même anonymat en 2015 à Nice. Pourtant, elle a eu entre ses mains un carnet d’adresses unique, une liste de clients de renom et de l’argent à s’en baigner dedans. Protégée par les puissants, vantée par la gent masculine, environnée de luxe, confortée par les pouvoirs publics avec une police bienveillante et jusqu’à louer des locaux à l’archevêché, Madame Claude se croyait intouchable. Pourtant, elle a fini par être rattrapée par la justice.

Véritable personnage de roman, ce livre sur Madame Claude se lit comme s’il en était un. Après moult recherches, le journaliste a réussi à démêler le vrai du faux ce qui n’est pas une sinécure tant cette femme a créé un dédale de mensonges et que le secret des alcôves est difficile à soulever… Anecdotes, entretiens avec des « filles » de Madame Claude, descentes au Quai des Orfèvres, confidences policières parcourent le document et donnent une vision de cette France d’après-guerre où la débauche s’étalait dans l’ombre sans que personne ne s’en offusque. Mais pour Madame Claude, l’affaire Markovic a été le début de la fin même si la descente aux enfers était encore loin. Affaire qu’Erwan L’Éléouet sait rappeler comme il le faut.

Un ouvrage que je ne peux que conseiller, riche en informations (j’en ai encore découvert de nouvelles) et très agréable à lire grâce à une plume littéraire qui a su créer une dynamique en scénarisant le récit et faire monter la curiosité.

Madame Claude ou la femme qui n’aimait qu’elle-même.

Madame Claude, le parfum du secret – Erwan L’Éléouet – Éditions Fayard – Novembre 2022

vendredi 4 novembre 2022

 

Une noisette, un livre
 
« J’ai été fusillée, ma chérie… »
Christine Bernard

 


Voilà un livre pas comme les autres. Pas seulement pour le témoignage mais pour la façon dont il est transmis. Tout en douceur, tout en amour. En opposition totale avec ce qu’ont vécu la mère et les aïeuls de l’autrice.

« J’ai été fusillée, ma chérie » est la réponse de la mère de Christine Bernard lorsque celle-ci a 12 ans. Elle s’étonne que sa mère ne croque jamais une pomme ou un sandwich, ni même un carré de chocolat. Elle l’observe et constate que pour manger elle glisse discrètement la fourchette entre ses lèvres parce qu’elle ouvre à peine la bouche. Pourquoi ? Parce qu’à 15 ans, dans la cave d’un immeuble de Varsovie, le 7 août 1944, Yolande Ebin est devant un peloton d’exécution nazi aux côtés de huit autres résistants. Tous tombent. Yolande se croit morte, la balle est sortie par la bouche. Tragique et miraculeux.

Depuis cette réponse et la connaissance de la fusillade, la vie de Christine Bernard va changer. Déjà passionnée par les livres, elle veut tout savoir et progressivement va découvrir la tragédie familiale : une grand-mère fusillée, un oncle déporté vers les camps de la mort, un grand-père qui s’est porté volontaire pour aller soigner dans le ghetto de Varsovie et a résisté à tout. Autre surprise : il était juif.

Des photos accompagnent ce témoignage narré avec une sensibilité extrême, une finesse qui émeut au possible et un phrasé aussi subtil que bouleversant. S’appuyant sur les écrits de sa mère (ô combien ça a claqué en lisant que la mère pensait ne plus avoir de nez, écho énorme, résonnance familiale) Christine Bernard livre une histoire intime dans une histoire européenne à ne jamais oublier. Pour la liberté de tous et en hommage à ceux qui sont tombés ou ont failli tomber.

La postface de Jean-Yves Potel ajoute des éléments historiques à ces destins polonais face aux machines de la mort.

« J’ai été fusillée, ma chérie… » - Christine Bernard – Préface d’Anette Wieviorka – Postface de Jean-Yves Potel – Éditions Mille Sources – Mai 2021

mercredi 2 novembre 2022

 

Une noisette, un livre
 
Ceux qui restent
Jean Michelin

 


« Ce n’était pas ce qu’il disait qui émouvait Stéphane, mais ce qu’il taisait »

À la lecture de cette phrase, un flash traverse votre esprit. Parce que les êtres qui vous touchent le plus sont ceux qui disent mais qui gardent le plus important au fond d’eux-mêmes. Par pudeur, par pusillanimité, par réserve. Peu importe. Ce roman est du même acabit. Il raconte, lance des dialogues, dissèque en surface, ouvre des fenêtres mais avec un volet semi-ouvert. Pas évident de faire parler la Grande Muette. Pourtant doucement, sans fioriture, la plume sème une intrigue, dévoile la face invisible de cette armée qui défie sans cesse la Grande Faucheuse et laisse des cœurs blessés s’exprimer.

Le caporal-chef Lulu a disparu. Déserteur ? Cela ne lui ressemble pas. Un avancement de grade refusé ? Lulu n’a jamais voulu prendre du galon. Ennui familial ? Une épouse et un fils, RAS. À moins qu’un choc psychologique n’ait provoqué une fuite. Junior a succombé à ses blessures suite à une attaque imprévisible. Aucun de ses compagnons d’arme n’est en faute mais tous culpabilisent. La première fois, le choc est immense. Ensuite, la carapace se durcit mais laisse toujours un espace à fleur de peau, car jamais on ne peut s’habituer à la mort d’un collègue. Il y a ceux qui partent comme Junior. Et il y a ceux qui restent comme Lulu.

Ses frères d’armes vont tenter de le retrouver. Pour lui, pour sa femme, pour son fils. Pour l’armée. Pour les disparus. Ils vont devoir compter que sur eux-mêmes. L’adjudant Stéphane reprend du service, on ne lâche pas ceux qu’on a connus.

Prouesse romanesque, véracité des sentiments. Aux descriptions presque lyriques s’entrechoquent les dialogues entre militaires et la rudesse des combats ou des zones à sécuriser, de l’Afghanistan à la Guyane. La peur côtoie l’espoir, l’ivresse se joue de la colère, les joies n’effacent pas les deuils. L’amour est malmené et la tolérance rencontre des obstacles. Jean Michelin le résume très bien avec l’ensemble de ses personnages en portant notre regard sur les détresses ignorées et les séquelles psychologiques qui creusent le cerveau des soldats et de leurs proches. Parents, conjoints, enfants, amis. Personne n’est épargné sur cette grande scène où la guerre dévore l’humanité.

Un roman grandiose avec une fin sobre mais magistrale.

« Avec le temps, il avait pris du recul sur le métier. Il n’ignorait plus le caractère dérisoire de ce qu’ils faisaient, l’éternel recommencement des efforts lorsque la relève arriverait dans quelques mois pour poursuivre l’ouvrage, reprendre le tissage patient des liens de confiance avec les notables locaux, la relation qui se construit, patrouille après patrouille, mandat après mandat « vous avez la montre, on a le temps » et toutes ces conneries. Les visages fatigués des vieux sur le bord des routes, les gamins qui font des signes amicaux, moqueurs ou menaçants selon l’humeur du jour, il les avait tous vus, de toutes les couleurs, de toutes les religions. Les visages se mélangeaient dans sa tête quand il y repensait. La guerre était toujours la même, peignant les souvenirs de cet ocre sale, celui de toutes les poussières qu’il avait accrochées aux semelles de ses chaussures ».

« Par-dessus tout, il redoutait le regard de Mathilde, le regard triste qu’ont parfois les femmes de devoir quand les hommes se montrent trop petits et trop peu capables ».

Ceux qui restent – Jean Michelin – Éditions Héloïse d’Ormesson – Août 2022

mardi 1 novembre 2022

 

Une noisette, un livre
 
Fièvres rouges
Judith Rocheman

 


Un livre brûlant ! L’histoire d’une jeune femme espagnole dont le père est tombé sous les balles des franquistes et le beau-père – le compagnon d’armes du père pendant la guerre civile espagnole – réfugié en France a été victime de la Shoah. En toute logique, sa fille Julia est communiste et veut militer pleinement au sein de ce parti. Elle est reçue par un membre très actif du comité, Sergueï, d’origine russe, et va loger dans son appartement en attendant de trouver du travail. Elle se méfie aussitôt de lui, grand séducteur il tourne autour de la belle Espagnole, semble violent et humilie sans cesse son épouse Émilie. Épouse qui va devenir l’amante de Julia et toutes deux vont s’enfoncer dans un militantisme effréné. Mais, le vent glacial qui souffle d’Est en Ouest va se répercuter sur le ménage en provoquant  une guerre intime. Comment Julia va faire face à toutes les menaces tout en continuant à diffuser les valeurs qui la forgent depuis l’enfance ?

Un roman haletant et qui relate parfaitement les conditions de la femme dans les années 50 qui étaient loin d’être idylliques ; à part le droit de vote accordé en 1945 leur statut s’apparentait à celui d’une éternelle mineure. Politiquement, le combat mené contre le nazisme par les communistes fait que ce parti était devenu très populaire au lendemain de la guerre, même si Thorez était loin d’être idéalisé. Sans oublier que la majorité ignorait les crimes de Staline. Judith Rocheman décrit très bien cette histoire française et internationale et c’est ce qui fait la force du roman malgré quelques incohérences : par exemple, Sergueï qui est suivi par les sbires du parti pour trahison et qui va tout de même à la cérémonie d’hommage à Staline, et d’un texte qui aurait mérité une meilleure relecture.

Hormis ces quelques bémols, un premier roman à lire, qui traduit très bien le militantisme aveugle – souvent sincère à la base – et que chaque côté de l’espionnage n’héberge pas des enfants de chœur ; une mention spéciale pour l'évocation de l’émancipation des femmes, la tolérance sexuelle et combien, via l’épisode de l’avortement clandestin, se dire que l’IVG doit être défendu à l’infini.

 

Fièvres rouges – Judith Rocheman – Éditions Plon – Octobre 2022

  Noisette romaine L’ami du prince Marianne Jaeglé     L’amitié aurait pu se poursuivre, ils se connaissaient, l’un avait appris à...