Une
noisette, un livre
Hommes
des tempêtes
Frédéric
Brunnquell
La
mer qu’on voit danser, c’est beau et poétique. Celle du bord des plages où elle
scintille de mille éclats et fait respirer cette fragrance unique des embruns.
Mais la vraie mer, le véritable océan est tout autre. C’est un milieu hostile
que nul homme ne pourra dompter. C’est aussi le lieu de travail de centaines
d’hommes qui embarquent pendant plusieurs mois. Au péril de leur vie.
Le journaliste Frédéric Brunnquell a embarqué sur le Joseph Roty II, un chalutier à l’ancienne mais solide, construit dans la Pologne communiste de Solidarnosc. Avec lui une cinquantaine de marins, du cuisinier au capitaine, tous unis dans la quête au merlan bleu, ce poisson servant de base pour le surimi. Quand vous en aurez dans votre assiette et, après avoir lu ce livre, vous ne le mangerez plus de la même façon. Si chaque homme est bien payé pour cette pêche au long cours elle a prix ; celle de rester éloigné de la terre et des siens pendant de long mois, d’endurer l’humidité, le vacarme, la promiscuité, la solitude et surtout d’affronter de redoutables tempêtes avec des vaques de plus de quinze mères de haut. À chaque fois, une épopée. Au retour, l’anonymat absolu. Ils sont pourtant des héros.
Un ouvrage passionnant où le lecteur se retrouve pris dans cet espace houleux. Leçon d’humilité et admiration pour cette confrérie multiculturelle qui pourrait disparaître peu à peu. Déjà, à l’intérieur, la vie en quelques année a changé : parties de cartes et discussions endiablées ont été balayées par les écrans et autres consoles laissant à chacun un enfermement dans un enfermement. Le tabac lui est toujours au rendez-vous. Frédéric Brunnquell brosse des portraits attachants, émouvants. De très belles pages d’humanité.
« Ces marins, leur univers pue, il est trop sale, trop gras, trop rouillé, pas assez glamour ni sponsorisé pour mériter l’attention. Ces marins vivent chaque année neuf mois sur l’océan, ils n’ont jamais vu les arbres en fleurs des printemps à terre, ils sont absents pour la naissance de leurs enfants, mais ils racontent la condition humaine, le goût des hommes pour l’ailleurs, le besoin de fierté, celui des rêves inaboutis, et l’obsession de la conquête qui se paie de tant de douleurs ».
« La peur est faite pour rester à quai ».
« Nous ne sommes rien dans cet infernal chaudron. Le vent et la mer ligués nous rappellent notre juste place. Nous ne sommes pas là pour vaincre, mais pour survivre. J’aime cette leçon qui nous rappelle les valeurs de l’humilité et de l’endurance. La nature nous apprend que pour avancer il faut savoir composer avec elle, lentement tirer des bords pour contourner les obstacles ».
Hommes des tempêtes – Frédéric Brunquell – Éditions Pocket – Octobre 2022
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