Une noisette, une rentrée littéraire #1
Une farouche liberté
Gisèle Halimi avec
Annick Cojean
Sur
sa robe d’avocate
Sur
les pages de plaidoirie
Sur
l’asphalte
Elle
a crié son nom
Sur
les murs des prétoires
Sur
les sols des prisons
Sur
les parois des roches
Elle
a crié son nom
Sur
la dureté des jours
Sur
le non-sommeil des nuits
Sur
le temps qui passe
Elle
a crié son nom
Sur sa famille
Sur
ses amis
Sur
ses ennemis
Elle
a crié son nom
Par le pouvoir des mots
Par
la force et le courage
Elle
est née pour la connaître
Pour
la nommer
Liberté
Que l’âme de Paul Eluard me pardonne ce pauvre plagiat mais sa « Liberté » se fond à merveille dans la personnalité hors norme de Gisèle Halimi – qui admirait d’ailleurs le poète – étant de tous les combats pour la justice et l’émancipation des femmes. Pas qu’en paroles mais en agissant, en se jetant corps et âme pour défendre les opprimées, les blessées, les victimes, toutes ces femmes qui ont pu subir violences, tortures, rejets parce qu’elles avaient eu la mauvaise idée de naître avec un sexe féminin. Jusqu’à son dernier souffle, elle n’a cessé de mobiliser, de soutenir la cause des femmes.
Ce document est une conversation entre celle qui voulait « changer le monde en plaidant » et la journaliste Annick Cojean, connue pour mener des interviews atypiques avec une sensibilité singulière.
Un entretien si bien retranscris que, si vous connaissez la voix des deux personnes, il semblerait les entendre et même les voir, entre attention, bienveillance et engagement sans faille.
De la petite fille qui refusait d’être une éternelle servante à ses plaidoiries légendaires avec toujours la même ligne de conduite, elle n'avait qu'un but, celui de défendre en toute liberté. Cette femme savait dire NON ! Non, à la société patriarcale, non aux pressions politiques, non au pouvoir phallique. Toujours la tête haute, quitte à prendre tous les risque pour rendre justice.
Des prises de position risquées comme pour le cas de Djamila Boupacha, en pleine guerre d’Algérie et qui obtiendra l’amnistie lors des accords d’Evian. Mais Gisèle Halimi avait auparavant remué ciel et terre, transgressant la déontologie en rendant public le dossier. On note au passage, que pour l’article publié dans la quotidien Le Monde, Simone de Beauvoir avait détaillé les multiples sévices et tortures infligées à Djamila Boupacha, victime également d’un viol – combien de fois utilisé comme arme de guerre – et qu’il avait été impossible, lors de la correction, de laisser le mot « vagin » qui avait été remplacé par le mot « ventre ». Nous étions en 1960…
Gisèle Halimi n’oublie pas de parler et remercier les personnes qui lui ont permis de ne jamais fléchir et de continuer ce qui était le combat de toute une vie : son mari, Claude Faux, le couple Simone de Beauvoir/Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Pablo Neruda, Jean Rostand, Jacques Monod, François Jacob, Romain Gary (elle fut son avocate dans l’affaire Ajar) sans oublier Guy Bedos qu’elle considérait comme un frère, elle la marraine de son fils Nicolas ( en l’espace de quelques mois, il a perdu son père, son parrain et sa marraine…).
Intrépide Gisèle Halimi et qu’elle soit toujours un exemple à suivre pour ne jamais cesser d’être libre. Farouchement.
« Tout, dans l’enfance, était fait pour me rappeler mon infériorité par rapport aux garçons, et d’abord à mes frères ».
« Pendant des années, je me suis ingéniée à me vieillir et m’enlaidir. Pas le moindre maquillage, une coiffure vieillotte, des vêtements discrets… Surtout que mon sexe ne nuise pas à ma cause ! Je faisais donc ce que je pouvais pour faire oublier que j’étais une femme. Pour qu’ils m’écoutent. Pour qu’ils me prennent au sérieux. Pour que j’aie une chance de capter leur attention uniquement par la force de mes mots et de mon raisonnement ».
« Le viol est comme une mort inoculée aux femmes un jour de violence. Elle coexiste avec leur vie en une sorte de parallélisme angoissant ».
« La politique s’est révélée un univers impitoyable pour une femme attachée à son indépendance et à sa liberté.
Une farouche liberté – Gisèle Halimi avec Annick Cojean – Editions Grasset – Août 2020 – Rentrée littéraire 2020
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