Une noisette, un livre
37, étoiles filantes
Jérôme Attal
Paris,
1937 – Alberto Giacometti, au bord de la rupture avec sa fiancée, se fait
renverser par une voiture américaine place des Pyramides. En 1964, Jean-Paul Sartre relate l’accident à
sa façon dans « Les Mots ». Cinquante-quatre ans plus tard, c’est
Jérôme Attal qui offre une autre version. Celle d’un Giacometti qui est
hospitalisé suite à la rencontre entre une roue et son pied place d’Italie. Il
apprend de la part de son ex-future dulcinée Isabel, que Sartre a déclaré
« Il lui est arrivé ENFIN quelque chose ». Plus qu’un désir, une
envie, une intention : refaire le portrait du philosophe pour lui
montrer qui c’est Raoul !
Une
savoureuse histoire entre deux « artistes », l’un manie le plâtre, l’autre
le verbe, une longue suite de « je t’aime, moi non plus », face à la
complexité des deux personnages. L’écrivain nous entraîne de terrasses en
terrasses, de cafés en cafés, de Montpanasse à l’ambiance germanopratine en
passant par la rue Visconti, longue rue où les vœux passent comme des étoiles
filantes dans l’ombre d’Orphée.
Entre
deux statuettes, se glisse la fine fleur du surréalisme des années 30 :
Breton, Eluard, Desnos, Foujita (et ses lunettes), Roché et aussi,
indirectement, le philosophe allemand Husserl et, et l’incontournable François
Mauriac lors d’un dîner avec le compagnon de Simone de Beauvoir. Tout un
programme et n’hésitez pas à le demander !
Deux
autres éléments participent à cette fantaisie livresque : l’amour et
l’humour, des rimes qui s’ajoutent sans excès de glamour mais avec ce qu’il
faut de la verve d’un troubadour (ou trouvère pour ceux qui sont plus au nord
sans le perdre). Car il faut être un ménestrel des mots pour jongler avec
autant d’aisance, de brio sur les chemins de l’amour (visites au lupanar
comprises) et de ses hasards. De sa tendresse aussi.
Pour
ne pas ennuyer le lecteur, l’écrivain facétieux l’entraîne également dans un
commissariat où l’ambiance ne risque pas trop de mettre du bleu à l’âme surtout
lorsqu’il s’agit de surfer sur l’actualité du XXI° siècle pour relater la
plaidoirie d’un inculpé du début XX°, c’est jawadien vôtre… (cf page 100).
Alors
hop, mauvaise troupe, en route, haut les noisettes dans le firmament des
étoiles filantes qui brillent de 37 saillies.
« Il affiche la
mine joviale, sans arrière-pensée, de ceux qui savent participer de bon cœur au
spectacle de l’existence ».
« - Vous me faites
confiance pour vos verres ? – Les yeux fermés ».
« Il y a beaucoup
de présence dans l’absence ».
« - Ce n’est pas
une attitude un peu coloniale conquérante que d’arborer une ceinture en
crocodile ? – Ce qui est bien avec vous, Jean-Paul, c’est que vous ne
donnez jamais des coups au-dessus, ou en dessous de la ceinture, mais vous
visez la ceinture même ! »
Jérôme Attal – 37,
étoiles filantes – Editions Robert Laffont – Août 2018
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