Une noisette, un livre
L’exil d’Ovide
Salim Bachi
« Sa
terre d’accueil lui paraît inhospitalière et barbare comparée à Rome qui lui
manque. Pour Ovide, le seul moyen de fuir ce quotidien de solitude et de
tristesse est l’imagination qui le transporte dans la ville de sa
jeunesse ».
Pourtant
Ovide prend conscience que son exil est définitif, il abandonne le
combat ; le désenchantement et la solitude l’emporteront face à la vie. Une
mort lente, de plusieurs années, mais irrépressible.
Le
romancier Salim Bachi signe un nouvel opus sur l’exil qui met l’accent sur la
détresse psychologique de celui qui part et ne reviendra pas, en prenant
l’exemple du poète latin Ovide, relégué sur l’île de Tomis pour des motifs qui
restent et resteront probablement obscurs. Non déchu de ses droits, il sera
néanmoins contraint au silence, à l’inaction. Il écrivit « Les
Tristes » et « Les Pontiques » d’où sortent un chant mélancolique
et douloureux. Il suit aussi les traces d’écrivains plus
contemporains, d’Hermann Broch à Fernando Pessoa, d’Alfred Döblin à Stefan
Zweig en passant par James Joyce. Seul l’exil de Thomas Mann semble être
réussi, les autres ont sombré, certains se sont même suicidés.
En
parallèle, l’auteur exprime son désarroi, la nostalgie de sa jeunesse en
Algérie, cette Algérie qu’il a quittée durant la guerre civile des années 90.
Ses regrets sont vertigineux, son mal-être visible. Son passage à la Villa
Médicis n’est pas un souvenir intarissable même s’il se met à errer sur le
parcours d’Ovide et les sites antiques. Seulement aucune métamorphose ne se
déclenche. Il en est de même à Lisbonne où suivre les pas de l’écrivain
portugais n’est qu’une errance. Paris, sa ville d’écriture ne lui plait guère
et seule Grenade semble lui remettre un peu de baume au cœur, la beauté
mauresque aidant.
L’abandon géographique est le thème récurrent des romans de Salim Bachi, Le chien
d’Ulysse entre autres, parce que seul un être qui a vu sa jeunesse plongée dans
l’enfer et qui ensuite a été obligé de fuir, peut se rendre compte de la
souffrance de l’exilé, du déraciné.
Une
très belle plume qui confirme combien les mots ont une puissance quand ils sont déposés avec talent et finesse sur le papier. Et combien l’envie de relire Ovide envahit l’ esprit pour
justement prouver que l’écriture est une arme contre l’oubli et un acte
cathartique.
« Il n’y a pas de
retour possible pour celui qui a abandonné son lieu de naissance de gré ou de
force ».
« L’exilé
transporte sur son dos sa nostalgie comme Enée son père en fuyant Troie en flammes ».
« Les dictateurs,
tyrans, potentats redoutent les poètes ».
« L’exil est ce
sentiment envoûtant qui naît de la destruction du passé et de l’attente d’une
renaissance. Quand il se double de la jeunesse, il peut être glorieux. A mon
âge, ce n’est plus qu’une longue peine ».
L’exil d’Ovide – Salim
Bachi – Editions JC Lattès – Novembre 2018
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