Une noisette, un livre
La
frivolité est une affaire sérieuse
99 essais
Frédéric Beigbeder
Un
peu d’impertinence, s’il vous plaît, nous sommes Français ! Frédéric
Beigbeder agace ou séduit mais dans les deux cas de figure il ne laisse pas
indifférent. « 99 essais » est une compilation de divers billets
d’humeur publiés dans la presse par l’écrivain avec une particularité, trois parties sont mises en exergue : avant 2015, en 2015,
après 2015. Et c’est ainsi qu’on mesure ô combien « la frivolité est une
affaire sérieuse ». Même salutaire.
Aussi
éclectique que possible, Frédéric Beigbeder parle de tout et de rien, de sujets
lourds et légers, mais toujours avec humour (sans se prendre au sérieux) et avec
un cynisme que l’on pourrait qualifier de bienveillant. Une chose est
irréfutable, si certains naissent dans les choux, ce natif du Béarn n’a pas vu
le jour dans un arbre (malgré son admiration pour le cèdre du Jardin des
Plantes) car il a banni à jamais la langue de bois ; que ça plaise ou non,
il exprime ce qu’il a envie de dire, il livre ses opinions en mettant le
politiquement correct aux rayons des accessoires inutilisables.
Littérature
(qui «est avant tout une
conversation »), cinéma, fashion-week, alcool (voire cigarettes et p’tites
pépées), vie nocturne, sexe, tout y passe sans trépasser. Sauf quand il évoque
avec une infinie tendresse la disparition de Jocelyn Quivrin et Jean
d’Ormesson. Et puis, il y a 2015. Même si avant il y a eu 2001. 1995 aussi. En
France, en Europe, en Asie, en Afrique, en Amérique. La réponse de l’auteur est
sans appel, cinglante et lucide, tout y apportant comme toujours de l’ironie
qui parfois est également « la politesse du désespoir », une arme
aussi, et celle-ci sans faire de victimes. Une arme non létale, au contraire,
elle a pour but de faire renaitre, de ne pas oublier que « Paris est une
fête ».
Cela
dit, Frédéric Beigbeder a sa bête noire (qui n’en n’a pas ?), je nomme
Internet et les réseaux sociaux (entre nous ses initiales sont quand même FB…) : « La vindicte de ce monde virtuel qui
semble avoir été créé pour permettre à tous les haineux du monde de se donner
la main ». C’est joliment exprimé et on ne peut lui donner tort. Sauf,
qu’il existe heureusement, l’autre versant, peut-être moins mis en lumière mais
où on peut avoir le monde au bout des pattes avec des échanges cordiaux. Mais
cette violence virtuelle est ni plus, ni moins, que le reflet d’une
société ; le romancier a encore une phrase terriblement juste « La violence n’est pas un discours ou une
langue ; la violence commence là où disparait le vocabulaire ».
Quand on ne sait plus quoi dire, on frappe, quand on est en manque d’arguments,
on agresse.
Alors
avant toute chose, de la LITTERATURE, pour « humaniser l’inhumain », pour narrer l’inénarrable (Frédéric
Beigbeder, si un jour vous me lisez, je l’ai mis pour un ajout page 93), pour
continuer à s’exprimer à sa guise, pour quelle soit le réverbère du fil de
la liberté avec un funambule de la désinvolture, de la fantaisie (sans divins
mensonges), de la légèreté. Cette légèreté si soutenable des êtres.
« L’écrivain est
toujours un funambule qui titube entre le ciel et la terre ».
« Quand fera-t-on ENFIN
la distinction entre ce que pense l’auteur et ce que disent les
personnages ? »
La frivolité est une affaire
sérieuse – 99 essais – Frédéric Beigbeder – Editions de l’Observatoire –
Octobre 2018
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