Une noisette, un livre
Né d’aucune femme
Franck Bouysse
Rose
comme une fleur, rose comme un parfum, rose comme une couleur. Mais cette Rose
du roman de Franck Bouisse n’est qu’une fleur asséchée avant l’âge, une couleur
sombre sans aucun ton si ce n’est que celui des cendres tant les épines lui ont
secoué le corps ; son âme, son cœur, son être tout entier a été arraché à la
vie, celle où l’on peut jouir de quelques plaisirs et d’instants de liberté.
Rose, n’a jamais vécu, elle a survécu par le seul salut d’une force mentale inimaginable.
C’est
une « histoire d’ombres qui passe aux aveux » par le biais d’un
prêtre à qui, lors d’une visite mortuaire, une infirmière d’un asile remet de
mystérieux cahiers écrits par une internée. C’est l’histoire qu’a réussi à
transcrire Rose, elle qui ne voyait que les mots pour la sauver ou tout au
moins apaiser sa funeste destinée. Elle, la jeune fille pauvre, vendu pas son
père à des « châtelains » dont le scrupule et l’humanité n’ont jamais
fait partie de leur vocabulaire. L’homme d’église s’efface de la narration pour
laisser Rose conter sa vie de bosses, de coups, de griffes et autres violences
effrayantes.
Un
roman plus que bouleversant et qui vous serre à la gorge, car si ce n’est
qu’une fiction, ne pas oublier que des centaines de femmes ont vécu cet
esclavage, des centaines de miséreux se sont retrouvés enfermés, des centaines
d’enfants furent abandonnés ou arrachés dés sortis du ventre de leur mère, et
ce depuis des siècles et encore aujourd’hui dans certaines parties du monde où
l’infortune triomphe encore.
La
puissance du récit est catalysée par une écriture éblouissante, une plume
sachant doser la verve avec justesse et s’adaptant selon la personne qui
dépeint les scènes. Dramatiquement beau.
Un
livre qui ne peut se résumer, un livre qui se lit, qui se vit.
« Les mots, une
invention des hommes pour mesurer le monde ».
« J’étais devenue
rien. Je m’appartenais plus, le maître avait raison. Ma tête pensait même pas,
et pourtant, je me souviens de tout ce que j’ai vécu après la brûlure ».
« La pitié, c’est
le pire des sentiments qu’on peut inspirer aux autres. La pitié, c’est la
défaite du cœur (…) j’éprouve pas de pitié, juste de la peine et elle est
infinie ».
Né d’aucune femme –
Franck Bouysse – La manufacture de livres – Janvier 2019
Livre lu dans le cadre
du Prix Orange du Livre 2019
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