Une noisette, un livre
Simple
Julie Estève
Simple.
Simple comme une histoire. Simple comme l’apparence. Simple comme les préjugés…
Et pourtant, complexe de l’incomplexe. Complexité de l’humain, des richesses
des différences trop souvent incomprises.
Il a un nom,
un prénom. Mais dans ce village corse, on l’appelle le « baoul » ou
« le mongol, le débile, une merde, une graine de con », une longue
liste, tant Antoine Orsini a entendu
d’insultes dans sa vie.
Sa mère est
décédée à sa naissance (considéré avec charité comme l’infâme responsable de la
mort de sa génitrice), son père n’a d’amitié que pour l’alcool, son frère et sa
sœur font le service minimum envers lui… Au départ définitif de son père, il
continuera d’habiter la maison, sans eau, sans électricité. Sans rien. Rejeté
parce que simplet, du moins en apparence.
Ah si
seulement Madame Madeleine avait vécu plus longtemps. Elle seule savait lui
rendre sa dignité. Grâce à elle, on l’avait enfin appelé par son prénom à
l’école. Il y pense toujours à sa dame de cœur, lui apporte des fleurs sur sa
tombe. Il est si seul, ses interlocuteurs étant une chaise plastique trouée et
son fidèle Magic. C’est peu, trop peu. Pour lui, c’est déjà beaucoup.
Il se
débrouille comme il peut, il a cette intelligence que les autres n’arrivent pas
à saisir, à comprendre. Avec rien, dénué de tout et malgré ses chagrins, il arrive à trouver de la beauté dans la
vie : dans les arbres, les fleurs, dans Florence, une jeune fille qu’il
aime mais ce sera un secret. La mère de la jeune fille, la
« vieille » ne peut encadrer ce « vaurien », une haine si
tenace qu’elle ira jusqu’à cracher sur sa tombe ! Pourtant, jusqu’au bout
Florence a continué à parler à Antoine, jusqu’au jour où on retrouve son corps
dans la forêt. Morte avec une balle dans le ventre. Le coupable idéal sera vite
proclamé, forcément… lâchement. Et pourtant…
Julie Estève
fait de ce « baoul » un héros, car oui les héros peuvent être
fragiles, de cette fragilité sort une force incroyable. Qui supporterait autant
de rejet, de moqueries ? Pas toutes ces personnes qui se croient
supérieures… Malgré une sémantique et une syntaxe rudes, ce roman est un livre
de poésie, une ode à la tolérance et une leçon d’humilité. Tout ce qui brille
n’est pas or et tout ce qui semble terne peut devenir lumineux.
« Moi j’aime bien m’asseoir en
hauteur pour la vue. D’ici les hommes, y sont tout petits, ils ont des maisons
qui sont toutes petites avec des bagnoles toutes petites. Le village il est
tellement petit qu’il tient dans ma main. Et quand je ferme le poing, y a plus
de village, y a plus rien ! Effacé, plus là ! Dans le coin, je suis
peinard. Le ciel est transparent. Une buse grise danse. »
« Magic connaît ma vie par cœur
et il est au courant pour les autres et les secrets. Il sait comme personne ce
que je préfère au monde, madame Madeleine, les catastrophes naturelles, les
pignons, Ayrton, les figues, les bagnoles, Vanina, les cailloux, Florence, mon
103 Peugeot, Saguézé, mes poules, tout ce qui est plantes, arbres, cactus et
l’odeur de la nepita qui pousse dans les endroits où il y a la rocaille. Je lui
ai raconté mes aventures en détail et je peux le dire aujourd’hui, c’est le
meilleur compagnon qu’on peut avoir. En plus, on se dispute
jamais ! »
Simple – Julie Estève – Editions Stock
– Août 2018
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