dimanche 16 septembre 2018


Une noisette, un livre


 Elsa mon amour

Simonetta Greggio




« Un vrai roman est toujours réaliste, fût-ce le plus fabuleux ! Et tant pis pour les médiocres qui ne savent pas reconnaître sa réalité. »  Elsa Morante

Elsa mon amour pour un amour de livre. Comme une sensation de remonter le temps, celui que l’on connait que par la littérature et le cinéma. Quand ces deux formes d’art se rencontrent, s’unissent, c’est comme Elsa Morante : prodigieux.

Romancière, poète, traductrice, Elsa Morante a été éclipsée par son époux Alberto Moravia. Un mépris peut-être… Pourtant, sa trace est indélébile, tant pour sa « Storia » que pour son tempérament et caractère de feu ; l’Italie et ses belles lettres, l’Italie et ses amours tumultueuses, l’Italie dans toute sa grandeur mais pas que celle de la « dolce vita ».

Simonetta Greggio relate avec dextérité ce personnage hors-norme, le roman d’une vie mais avec la réalité d’un destin. Elsa Morante c’est déjà une naissance mystérieuse, différente. Un père géniteur qui lui donnera des frères et sœurs mais qui ne les reconnaîtra jamais, un autre homme le fera à sa place. Avec sa mère, c’est un peu « je t’aime moi non plus » comme ce le sera avec ses amours successives : son mari, Alberto Moravia, et ses amants, Luchino Visconti et Bill Morrow, entre autres. Le seul amour qui restera unique et sans faille sera celui pour les animaux : « nos animaux familiers sont des anges déguisés venus sur terre pour nous apprendre la douceur. »

Elsa, c’est aussi un portrait de femme, de femme libre qui veut vivre comme elle l’entend et quelle que soit sa situation financière ; de pauvre elle deviendra riche avant de terminer dans la déchéance. Elle aura connu les privations, l’exil, le luxe, le désespoir d’une fin de vie. Mais jamais elle reniera ses convictions.
A travers cette figure de la littérature, c’est l’histoire d’un pays que l’on feuillette, entre son foisonnement artistique et sa misère politique. Et soudain penser que le passé est terriblement d’actualité… En rien un mensonge, ni un sortilège…

Pour paraphraser son auteure, je dirai qu’Elsa mon amour et une stellaire lecture qui nous fait dieux… comme l’écoute d’un concerto de Mozart.  

« Que reste-t-il de l’enfance, si ce n’est une passerelle magique jetée entre les deux rivages d’une vie, pour peu qu’on ait le courage d’imaginer qui on est, qui on veut être. Qui on a été.»

« Qui est normal ? Qui ne l’est pas ? Ne faisons-nous pas semblant, au fond de nous-mêmes, de trouver le monde ordinaire, alors que nous sommes tous parachutés d’on ne sait où vers l’inconnu, traversant quelque chose qui s’appelle l’existence, et nous avons si peur que nous nous accrochons à la « normalité », ce code qui est comme un fil d’eau glacé sur lequel nous marchons un pied après l’autre tandis que, devant et derrière nous, nos semblables sont aspirés par le vide, jusqu’à ce que notre tour arrive. »

« Depuis, j’ai appris. Un bol réparé est plus beau qu’un bol intact. Le charme d’un objet fêlé, plus troublant que celui d’un objet lisse et neuf. Il faut du courage pour montrer nos fractures, pour y fondre un matériau précieux et faire de la douleur une ligne de lumière. »

« Le hasard, c’est un écheveau de fils invisibles à nos yeux. Il tresse nos existences à notre insu. De temps à autre, un point carmin remonte à la surface, puis se renforce dans les mailles de l’inconnu. »

Elsa mon amour – Simonetta Greggio – Editions Flammarion – Août 2018

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