Une noisette, un livre
Le Prince à la petite
tasse
Emilie de Turckheim
D’un
Commandant à un Prince. Dès la première page, Emilie de Turckheim donne le ton
en évoquant les premiers instants de l’arrivée de Reza, réfugié afghan, dans
son appartement : par un rêve, celui où elle accueille le Commandant
Massoud. Référence d’un héros pour d’autres héros, d’un drame géopolitique pour
tant d’autres drames humains. Mais contrairement à beaucoup d’autres récits,
celui du Prince, est un hymne à l’espoir.
Emilie,
son mari Fabrice et ses enfants Marius et Noé, vont accueillir pendant un an
dans leur appartement du quartier du Jardin des Plantes, un exilé, un être que
l’on a déraciné, un jeune afghan qui a déjà du haut de ses 22 ans un parcours
effroyable de migrations et d’errance. Arrivé en France, il a obtenu une carte
de séjour et peut travailler. Reste à trouver un logement. Emilie et les siens
vont l’aider à souffler un peu, à croire en l’avenir. De son côté, Reza va leur
apporter une richesse extraordinaire et des sourires qui valent tous les
cadeaux du monde.
On
saisit de suite que Reza, qui s’appelle Claude en 2° prénom, est un être d’une
sensibilité extrême avec un compteur de la peur à son plus haut niveau. Mais il
garde intact en lui la générosité et la bienveillance. Et celui qui a vécu
dehors, a nagé dans le noir, à ramper dans la boue est un expert en
délicatesse, jusqu’à nettoyer de fond en comble l’appartement et ramener des
objets trouvés pour l’embellir, comme pour mettre encore plus de lumière sur la
vie.
L’écriture
d’Emilie de Turckheim est toujours une douce brise de fraîcheur avec toute la
chaleur d’un esprit habité par l’empathie. Tout est narré avec une telle
spontanéité, une telle sincérité que l’on finit par apercevoir les scènes de
partage entre les mots, comme si on était un peu avec eux.
Un
témoignage qui prouve encore une fois combien l’étranger peut susciter de
découvertes, déclencher en soi des réactions inattendues parce qu’on prend le
temps de comprendre l’autre. C’est également un manuel de savoir-vivre, de
savoir-recevoir, de savoir-aimer et un riche point de vue sur l’importance de
la langue, sur les difficultés de prononciation, de compréhension ; ce
sentiment de n’avoir plus que des sons apatrides, l’idiome de son pays ne servant
qu’aux souvenirs et la langue du pays d’accueil étant encore une ombre de la
parole.
Puisse
ce livre être un passeur de mansuétude, un déclencheur pour éveiller
l’indifférence face au drame des exilés et une ode à l’espérance pour tous les
êtres en souffrance, car, bien se rappeler que celui qui prête attention à
l’autre le fera pour tous les autres… Une petite tasse pour un grand bol d’humanité.
« Dans sa bouche,
migrant n’est plus ce mot-poubelle anonyme, employé à tout bout de champ, ce
mot à œillères qui refuse de dire la guerre, la survie et l’exil. Dans la
bouche de Reza, migrant c’est lui. Ce sont ceux qui partagent dans leur corps
le secret de la fuite et la force de se sauver. Migrant est la plus haute
branche de sa vie. »
Le Prince à la petite
tasse – Emilie de Turckheim – Editions Calman Lévy – Août 2018
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