mercredi 5 janvier 2022

 

Une noisette, un livre
 
Viriles comme Vénus
Mariette Darrigrand

 


« Nus, s’il n’est cortois et sages, ne puet riens d’amors apprendre » Christian de Troyes

Et si on revenait à l’amour courtois ? L’attention des sentiments, des sensations, le déroulement d’un temps suspendu du désir… Le Moyen-Âge s’était inspiré de l’Antique, Ovide, notamment ses Métamosphoses et de Vénus. Ovide qui dénonçait les emprises, qui était pour l’égalité des sexes et abhorrait la pulsion de domination.

Vénus, déesse romaine et sujet de toutes les attentions de la sémiologue Mariette Darrigrand pour remettre quelques noisettes à leur place entre déformations sémantiques, histoires entrecroisées et cancel culture. Car Vénus est loin d’être une divinité uniquement offerte au désir du masculin. Elle est, certes, sensuelle, mais elle renferme également une puissance, une énergie, une vaillance. Vénus signifiait d’ailleurs « énergie », cette force qui donne envie de vivre et qui à l’époque romaine était neutre, s’adressant aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Tout comme la virilité qui pouvait être…féminine. Bien loin des stéréotypes hommes/femmes.

Car il y a une erreur à ne pas commette : cataloguer sur la même étagère virilité et virilisme. Le virilisme est néfaste, violent, dominant alors que la virilité est tout le contraire. Cette virilité est aux antipodes de l’esclavagisme, ceux qui sortent de la puérilité deviennent virils, hommes comme femmes. D’ailleurs pour la petite histoire, le mot « virile » a été épicène pendant des siècles, il s’écrivait avec un « e » jusqu’au XVII° siècle, le viriliste Louis XIV ne supportant pas une quelconque égalité entre les sexes – on apprend d’ailleurs que le Roi dit Soleil refusait l’usage d’une fourchette car trop féminin… sorte de cancel culture inversé.

Renforcé par les références au latiniste Robert Schiling et à la philosophe Simone de Beauvoir (eh oui, parité même) cet essai est un formidable élan pour que « femmes comme hommes, tous ensemble, s’orientent en direction du monde ».

« La violence est une virilité qui se renie »

« La femme et l’homme, et tous ceux qui expérimentent des identités intermédiaires, ont en partage bien davantage qu’ils n’ont en opposition ou en différence. Dans notre monde violent et instable, l’urgence est donc de nous aider mutuellement. Trouvons les régulations qu’il faut pour protéger la vie humaine, quel que soit le genre – grammatical ou sentimental – que nous choisissons de prendre ».

« Quand le dialogue s’arrête, la violence commence ».

Viriles comme Vénus – Mariette Darrigrand – Editions des Equateurs – Octobre 2021

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