Une noisette, un
livre
Poésie du
gérondif
Jean – Pierre
Minaudier
Le
sous-titre est très évocateur : « vagabondages
linguistiques d’un passionné de peuples et de mots », car pour
vagabonder et caracoler, ça en jette derrière la noisette ! Que les
réfractaires à la syntaxe, sémantique, grammaire… se rassurent, ce petit essai
est une grande aventure aux pays des mots, aux tournures de la langue, et à la
diversité des peuples, richesse première de notre monde.
Notre globe-trotter linguistique, qui sait vous faire voyager tout en restant dans son panier, a la manie de collectionner les ouvrages linguistiques, 1186 au compteur pour 878 langues ! Sa passion remonte à sa petite enfance – il avait même, adolescent inventé une langue « le chirio » - et prévient ainsi ses lecteurs que rien n’est venu d’un improbable « chemin de Damas, ni d’une audition d’un Magnificat près du second pilier à l’entrée du chœur de Notre-Dame du côté de la sacristie ».
S’intéresser aux vocables et à sa façon de les organiser c’est tout simplement s’intéresser à ceux qui portent le langage ; derrière chaque phrase, se dessine une histoire, du piraha au kalam, en passant par le mansi, l’ingouche, l’oubykh, le tamashek… tout sauf l’horrible esperanto ! Véritable cabinet de curiosités où l’on découvre singulièrement la pluralité linguistique, l’organisation en rang serré des voyelles et des consonnes et de leur prononciation (sans forcément provoquer un éternuement), la rareté de certains idiomes qui pourtant continuent d’exister, l’évolution sans révolution car une « grammaire à elle seule ne suffit pas à forger les mentalités collectives ».
Pour notre linguiste en herbe, la grammaire est avant tout une musique, une approche vers l’autre, un guide touristique sans mercantilisme, une leçon d’humilité, une évasion pour écouter mille sonorités qui font la culture d’un peuple, une balade -voire également une ballade- qui pourrait s’apparenter à la contemplation du défilement des nuages : des formes visibles qui dissimulent l’invisible, le mystérieux, l’immensité.
Rien
d’étonnant à ce que Jean-Pierre Minaudier agite, depuis un massif d’humour et
de drôlerie, l’oriflamme du rêve, de
la poésie sur les cimes de la grammaire.
Gérondifement vôtre,
« Le cas le plus insolite de migration concerne sans doute le garifuna, tout ce qui reste des langues parlées aux Antilles lorsque Colomb y a débarqué. A l’époque coloniale, des Indiens retranchés dans les montagnes au centre de l’île de Saint-Vincent y accueillirent des esclaves fugitifs ; ceux-ci adoptèrent leur langue, et les deux groupes se fondirent en un seul. En 1797, après la prise de contrôle de l’île par les Britanniques puis l’écrasement d’une révolte, 5000 de ces métis de Noirs et d’Indiens furent déportés en Amérique Centrale, ensemble de colonies espagnoles où la perfide Albion tentait de semer le désordrde en espérant finir par mettre la main dessus. Ils y ont fait souche, si bien que le garifuna, éteint depuis le début du XX° siècle aux Antilles, a aujourd’hui 200 000 locuteurs au Belize, au Honduras et au Guatemala. »
Poésie du Gérondif – Jean-Pierre Minaudier – Editions Le Tripode – Avril 2014
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