Une noisette, un livre
Qui a peur d’Annie
Ernaux
Jérôme Deneubourg
Sur notre planète
terre et au XXI° siècle, des gouvernements envoient des femmes en prison parce
qu’elles ont avorté. En sachant qu’un avortement n’est jamais une partie de
plaisir ni choisi de gaieté de cœur (comme le soulignait si justement Simone
Veil), c’est donc une double peine pour toutes ces femmes qui n’ont pourtant
pas d’autres possibilités que de recourir à un avortement illégal.
Annie Ernaux a eu
recours à ce procédé dans les années 60 en France et a témoigné de ce parcours
dans son livre « L’événement ». En 2019, c’est Jérôme Deneubourg qui
apporte son témoignage par rapport à ce qu’a vécu son ex-compagne tombée
enceinte lors d’une brève relation entre les deux. Victoria habite en Argentine
et dans ce pays cohabitent simultanément culture impressionnante et histoire
tragique au cours des siècles. Et comme souvent, ce sont les femmes qui
subissent le plus les décisions des hommes…
Jérôme Deneubourg
raconte par le biais d’un journal de bord le chemin de croix de Patricia,
depuis les hésitations à se faire avorter jusqu’à l’acte final dans une
« clinique » clandestine. Bien qu’étant séparé de cette femme, il a
financé l’avortement et l’a accompagnée à chaque étape. Indigné par ces lois
iniques qui empêchent les femmes d’être libres de leur corps, il a voulu
apporter par la force de l’écrit la diffusion d’un cri face à tant de douleur,
aussi bien physique que morale.
Un document qui
permet de montrer une fois de plus l’ineptie contemporaine à refuser aux femmes
un droit fondamental et qui est même parfois menacé dans les pays où il existe.
L’auteur termine avec un faible espoir de voir une modification de la
législation en Argentine lors des élections d’octobre. En attendant, des
milliers de femmes souffrent encore de par le monde, voire meurent, parce
qu’une grossesse ne peut être interrompue…
« Tous ces gens ne se doutent pas que des femmes ont
avorté dans un hôtel à deux cents mètres de là, comme un jour peut-être leur
voisine ou leur petite amie ou leur sœur, à souffrir comme de coups de couteau
dans leur corps. Sur le chemin, Victoria boite toujours, s’arrête toutes les
trois minutes. Tout d’un coup, elle titube, son corps bascule en avant, elle se
cramponne à une poubelle. Elle halète, je la soutiens par le bras. Après
quelques instants, elle repart, elle a repris son souffle. Et elle commence à
me raconter ».
Qui a peur d’Annie Ernaux – Jérôme Deneubourg – Editions
Lunatique – Août 2019
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