Une noisette, un livre
Après la fête
Lola Nicolle
La
vie n’est pas qu’une fête. Elle l’est un moment, un instant ou un peu plus
longtemps. Et lors des lendemains de fête, on repense à ce qui s’est passé
avant, pendant, peut-être pour mieux aborder l’après.
C’est
le jour du 13 novembre, date qui résonne encore comme un choc dans chacun
d’entre nous. C’est aussi celle d’un autre anniversaire, celle d’une séparation
entre deux jeunes qui voyaient la vie se dérouler devant eux. Le destin en a décidé autrement
pour Raphaëlle et Antoine, une bombe a fait éclater leurs cœurs et les corps
sont partis chacun de leur côté. Avec les souvenirs et les regrets.
Au
fil d’une bande-son assez originale, la narratrice raconte cet amour perdu, un
temps retrouvé puis définitivement abandonné au domaine du passé. Elle y
raconte sa toute jeunesse, ses désirs, ses différences avec son compagnon avec
qui pourtant une symbiose des sentiments s’était formée. Un temps.
Si
au départ, le lecteur peut trouver une forme un peu trop itérative, elle a sans
doute été créée pour mieux exprimer les vagues de l’amour au sein d’un couple,
progressivement on capte avec attention ce
va-et-vient (aucune arrière pensée derrière cette expression) entre les
ambitions, les espoirs, les moments intimes, et, les doutes, les difficultés de
communication. Le tout dans le contexte d’une société porté sur
l’individualisme et gangrénée par une fracture sociale.
Un
roman touchant sur ces fragments de vie, sur ces destins que l’on croit
incassables et qui se brisent dans le fracas de cette société qui n’est guère
propice aux concessions. Mais dans l’univers brutal des rêves envolés, des
parcours séparés, des ambitions confuses, se dresse tout au long du récit un
composant qui adoucit terriblement le terrible : la poésie. Une preuve que
la catharsis par les mots permet de soulager les blessures des maux et qu’une
déclaration d’amour post-séparation peut porter quelque espoir… pour réinventer
la fête.
« Ton regard
oscillait entre mes mains et mes lèvres. Tu les fixais comme si tu avais
l’envie de recueillir chaque mot qui en émanait. Ton désir vibrait autour de
moi. Parfois une ondée de tristesse venait lui porter de l’ombre, le
rafraîchir, le discipliner ».
« J’ai marché
jusqu’au pont de métal froid. Il me prit sur son dos de dragon. Et je me suis
arrêtée sous la chaleur imaginaire d’un lampadaire-couveuse. L’horizon se
profilait. La minuscule langue d’une étoile parvint à transpercer la couche de
pollution qui réverbérait les lumières de la ville. Elle brillait faiblement
au-dessus de moi. Les rails, comme des lignes de fuite, s’étiraient là, et
portaient les derniers trains déjà effilochés par la vitesse qui fuyaient la
gare du Nord. Je les regardais partir ver ces endroits que je ne connaissais
pas ou trop bien. Après le vacarme de leur course, un silence épais avait avalé
le pont. J’ai contemplé longtemps les vacillements du paysage. Cet
imperceptible ballet nocturne. Peu à peu, la nuit a cousu mon chagrin.
A mes pieds gisait le
corps ligoté de notre amour ».
Après la fête – Lola
Nicolle – Editions Les Escales – Août 2019
Livre lu dans le cadre
du Prix Littéraire de la Vocation 2019
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