Une noisette, un livre
La dérobée
Sophie de Baere
Claire,
originaire de Picardie, vit avec ses parents qui sombrent dans la léthargie
suite au décès accidentel de leur fils. L’été 1985, à 14 ans, elle rencontre
Antoine, issu d’un milieu bourgeois bien différent du sien, qui devient son
meilleur copain et n’attend que les vacances suivantes pour le retrouver. Deux
ans plus tard, l’amitié se transforme en amour. Mais survient un drame, une
jeune fille est assassinée, le meurtrier est trouvé, jugée, mais Claire et
Antoine ont des doutes, n’est-ce-pas le coupable idéal ? Un homme sans
défense, handicapé…Peu de temps après, Claire va découvrir la vraie
personnalité du père d’Antoine, Claude. Très élégant, il a élevé seul son fils,
sa femme l’ayant quitté pour un autre. Mais derrière cette distinction, se
cache une face bien sombre, elle en parlera à Antoine qui refusera de la
croire. Leur histoire s’arrête brusquement dans la colère et l’incompréhension.
Près
de 30 ans plus tard, chacun a fait sa vie, ou a essayé de la faire. Claire a
deux enfants avec François, son mari. Antoine a épousé une superbe femme, Paola
et de leur union est née une fille, Diane, qui s’est éloignée complètement de
ses parents et habite Nice, ville où réside depuis des années Claire. Et
soudain, Antoine et sa femme viennent habiter dans le même immeuble… Les
souvenirs remontent, les blessures jamais fermées s’élargissent soudainement
dans la plus totale confusion des sentiments.
Sophie
de Baere signe un premier roman sous le signe de l’amour, l’amour et ses
fluctuations mais, invincible. Un roman entre ombres et lumières, luminosité
pour la passion entre Claire et Antoine, noirceur pour l’atterrant Claude, le
tout enveloppé par une écriture fluide, sans excès, sans emphase ; comme
si la plume dansait sur les pages mais en tournant autour d’un voile de pudeur
pour laisser de l’imagination à l’amour et ne pas s’enfoncer dans un voyeurisme
inutile pour les faits sordides, les nommer est suffisant.
Une
réflexion tout en finesse sur le temps qui passe, ce temps que l’on ne peut
rattraper mais qui lui peut revenir sur vos pas ; sur la séduction malgré
les années qui s’ajoutent ; sur la capacité à savoir rebondir et à tenter
l’audace pour s’épanouir. Une belle fenêtre également sur le pardon, sur la
capacité humaine à absoudre les erreurs ou errements des autres, en les
comprenant, afin de permettre à son âme de nettoyer la rugosité accrochée à ses
parois. Pour enfin aimer la vie. Pleinement.
« Je mettais de la
dentelle arc-en-ciel sur le gris de mes habits. »
« L’essence de mon
existence se résumant à la sienne, l’attente de ses courriers était devenue un
cruel échafaud. J’étais obsédée par Antoine ; sur mes oreilles, la musique
du baladeur se confondait avec sa voix ; dans mon palais, le sucre ou le
sel se bigarraient de la saveur de sa bouche. La fournaise de l’insert familial
qui réchauffait mon corps d’hiver me faisait revivre l’instant fiévreux de
notre premier baiser. »
« Allongée sur un
transat, j’apprécie le calme total de la fin de nuit. Ce noir à peine trempé de
murmures d’oiseaux et de vent dans les feuilles. A Nice, le bruit est un
mercenaire ivre. Direct, immédiat, poreux, il s’insinue dans l’âme et la
profane pour l’empêcher d’exister vraiment. Ici, le bruit est lointain, poli et
délicat. Il emprunte de douces passerelles et j’apprécie de pouvoir me tenir
hors de son emprise. »
« Aujourd’hui à
quarante-cinq ans, j’ai pour la première fois l’audace de chercher à me
satisfaire. De me trouver une voie. Ma voie. »
La dérobée – Sophie de
Baere – Editions Anne Carrière – Avril 2018
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