Une noisette, un livre
Danse d’atomes d’or
Olivier Liron
« Che faro senza
Euridice
Dove andrò senza il moi
ben ?
Euridice !
Euridice !
Ah ! non m’avanza
Oiù soccorso, oiù speranza
Né dal mondo, né dal
ciel ! »
Olivier
Liron a peut-être grandi auprès des muses lui transmettant le talent,
l’inspiration, la sensibilité. Tel un Orphée avec sa lyre, il tient entre ses
mains des pages sur lesquelles il fait glisser les mots comme des notes pour
offrir un chant scriptural sur l’amour et ses tragédies. La mythologie ne meurt
pas, elle reste éternelle et s’offre une modernité avec les troubadours de
l’écriture.
Paris.
Alésia. XXI° siècle. Lors d’une soirée O
rencontre Loren. Parmi les convives un certain Virgile Vediani. Virgile…
forcément. O est subjugué par la beauté de Loren, son corps, la façon de se
mouvoir, il ne sait pas encore que c’est une acrobate, une manouche libre de
tout. Les amis jouent à se trouver une personnalité ; pour O se sera
Orphée, pour Loren ce sera Eurydice. Les regards se croisent, se cherchent, les
sensations se déclenchent, des étincelles brûlent, la flamme jaillit... on
craint déjà qu’elle s’éteigne lorsque Loren lance à O : « Ne te
retourne pas ! »
Le
couple se voit à nouveau, s’apprivoise, marche progressivement dans les pas de
l’un et l’autre, échange peu sur leur vie, juste sur l’instant, le moment. De
ces pointes successives, les corps se rapprocheront pour un ballet érotique sur
la scène de l’amour. Baisers langoureux, caresses audacieuses, fougue et
sagesse, sagesse et fougue, arabesques sensuelles… la danse charnelle semble
éternelle entremêlée de la délicatesse de l’esprit. Mais un jour, O a comme un
pressentiment, il lui semble que Loren va disparaître. Pour toujours. Le
lecteur devine déjà sous quelle forme s’est transformée Aristée et le serpent…
Désespoir de O, profonde tristesse de voir cet amour s’engouffrer dans les
abîmes du non-retour. Il erre sur terre, aussi meurtri que les âmes dans le
royaume d’Hadès. Suite à un courrier, il part en Normandie pour en savoir davantage
sur la disparition. Sur sa route il rencontre un artiste étrange au nom de
Cerbère, déclarant lui-même « qu’il se donne un mal de chien ».
Dans
ce roman moderne, Olivier Liron conserve la tradition du mythe d’Orphée,
l’inéluctable destin humain de l’amour et de la mort. Avec l’espoir d’une
éventuelle résurrection. Le récit est une constellation de beauté, tant sur
l’écriture que sur la richesse du sujet, mêlant histoire et réalité, antiquité
et modernité, références subtiles entrecroisées d’un humour que l’on peut
qualifier d’élégance.
L’auteur
s’est inspiré de l’opéra dansé, Orphée et Eurydice » de Pina Bausch sur
musique de Gluck. Le résultat est une variation de plume, un enchainement de
phrases cascadant les unes dans les autres à l’image des deux protagonistes
dans leurs ébats infinis.
Un
premier roman très prometteur, une poésie créative dans la ligné d’un Boris
Vian ou d’un Paul Eluard, avec cette
petite étoile qui fait la différence et la personnalité d’un écrivain. Même si
la mélancolie parfume les pages, les larmes glissant en filigrane, c’est un
ballet d’ombres heureuses qui tournoie dans les yeux du lecteur pour cette ode à
l’amour, à la liberté et pourquoi pas, à l’éternité littéraire et à celles des
âmes qui font de la vie un Olympe de l’harmonie.
« Sept cases pour
toute une vie, nous pensions à une réforme consciencieuse de l’ordre du
monde ; il faudrait inventer d’autres jours, d’autres liesses, d’autres
drames, quid du pardi, jour ductile, du verdi, jour d’opéra, de l’arrondi, jour
de douceur, de l’assourdi, jour de silence, du resplendi, jour de lumière, du
radi, jour végétarien, du candi, jour de pause gourmande, du reverdi, jour
printanier, du léopardi, jour moucheté, de l’organdi, jour voluptueux, de
l’atlandi, jour à écouter en secret au creux de soi, lorsque rugit le
cœur ; »
« Le réel est une
fable autobiographique. »
« La seule façon de
survivre, c’est de ne pas faire toujours la même chose. De bouger. De n’avoir
jamais de certitudes. De changer de vie tous les jours. D’envies. C’est ça mon
système à moi. »
« Je revois mes
nuits d’amour avec Loren comme une seule nuit d’amour. Une seule nuit et mille
et une nuits d’amour, c’est comme si une nuit d’amour n’existait pas en
elle-même mais dans un continuum d’espace et de temps ; au sein de toutes
les nuits passées ensemble, chaque nuit se déploie singulièrement, chaque nuit
a sa lumière propre, chaque étreinte est différente de la suivante, comme des
vagues qui se succèdent et se ressemblent sans jamais être exactement semblables
(…) chaque nuit fait éclater dans toutes les zones de mon corps des
électricités particulières et violentes, chaque caresse épelle des vertiges,
fixe des abandons, diffuse dans mes organes l’infinie variété du
plaisir. »
« Je t’ai cherchée
dans tous les recoins familiers du monde. Dans les frissons inconnus. Dans le
frôlement d’autres corps, d’autres mains. Je t’ai cherchée dans la géographie
incertaine de l’insomnie où la vue se même aux songes, lorsque al conscience
bascule dans le manque, dans l’absence. Je t’ai cherchée avec la foi de
l’enfance (…) je t’ai cherchée jusqu’à en perdre l’équilibre. Je t’ai cherchée
sur le fil des jours. »
Danse d’atomes d’or –
Olivier Liron – Editions Alma – Mai 2016
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