dimanche 7 novembre 2021

 

Une noisette, un livre
 
Daïku
Marc Gadmer

 


1er juin 1918. Deux événements se produisent à des milliers de kilomètres de distance et pourtant quelque chose les rapproche. En France se déroule une bataille qui va décider la fin de la première guerre mondiale ; au Japon, la 9° symphonie de Beethoven va être jouée  pour la première fois au Japon par des prisonniers allemands du camp de Bandô à Naruto, un orchestre formé par le sergent chef Hermann Hansen. Cette formation a interprété plus d’une centaine de concerts jusqu’en 1920 et cette représentation de 1918 va être la source de l’immense popularité de cet œuvre célébrée chaque Nouvel An et début juin à Naruto.

Cette histoire incroyable et bien trop occultée est racontée par Marc Gadmer dans un ouvrage plus que captivant. Il tisse savamment les liens entre la musique, la guerre, Beethoven, à travers un personnage, celui du jeune Markus Kramer, mélomane et violoniste engagé dans l’armée du II° Reich et fait prisonnier sur l’île nippone.

Même si romancé, tout est vrai. De l’écriture musicale par le génie allemand déjà sourd à l’interprétation de la 9° en passant par le déroulement sanglant de la guerre ; des baïonnettes aux baguettes sur les cordes de l’existence. S’entrecroisent des histoires d’amour autour de la musique, amours souvent douloureuses mais qui ont gravé quelque chose d’immortel dans la continuité de la symphonie, et des réflexions sur l’absurdité des guerres et que tous nous aimerions voir disparaître pour un perpétuel hymne à la joie.

Qui dit conflit dit diplomatie. Ainsi, se greffe au fil des mots et des notes, la rencontre entre Paul Claudel et Albert Londres, ce dernier relatant les entretiens dans son livre « Au Japon », ce qui confirme que l’âme du violon est polysémique et, peut-être, empreinte de shintoïsme…

Un document, une source pour aller vers d’autres fontaines livresques, une narration pétrie de délicatesse, des pages d’humanité pour adoucir la brutalité du monde, ce livre est une merveille à l’image du compositeur.

« On peut être riche dans son âme et pauvre dans son portefeuille ».

« Donner des récitals devant nos officiers, interpréter des marches militaires est une chose. Sauver l’honneur de la patrie en jouant devant nos geôliers en est une autre. Vois cela comme un acte de résistance, une preuve de courage ».

« L’hymne à la joie. Il n’y a pas de plus beau poème pour louer l’amour entre les peuples et la paix universelle. Il n’y a pas de plus belle composition que cette symphonie de Beethoven pour les célébrer. La musique s’amplifie, elle envahit l’espace et prend possessions des âmes ».

Daïku – Marc Gadmer – Editions Frison Roche Belles-Lettres – Septembre 2021




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