lundi 5 avril 2021

 

Une noisette, un livre
 
La Ville Rousse
Fabrice Lardreau

 


Une histoire qui aurait pu se dérouler en Méssenie avec l’envoi par Dionysos d’un nouveau renard de Teumesse pour remettre un peu d’animalité dans le désordre humain. Ou bien au Japon avec une sorte de « Kitsune » et ses pouvoirs magiques. Mais elle se passe dans une grande ville qui a pour nom une connotation romaine, Lutecia. Toute ressemblance avec l’antique Lutetia et l’actuel Grand Paris serait évidemment une pure coïncidence… Mais cette Ville Rousse a tout d’une tragédie grecque sur fond de dystopie.

Christian Maupertuis est un ogre industriel qui dirige d’une main de fer une multinationale engloutissant moult réalisations ou projets pharaoniques dont celui d’un Grand métro dans cette métropole dotée d’un périphérique cyclopéen mais dont les dirigeants ont pris soin de végétaliser pour palier les effets des perturbations climatiques. Face aux menaces écologiques et désastres humains, l’industriel rencontre des opposants : militants écologistes, défenseurs des droits de l’homme, représentants d’ONG… Maupertuis n’a alors qu’une seule directive dès qu’un citoyen veut s’interposer : l’éliminer. Pour effectuer cette sale besogne il a engagé un ancien compagnon d’études, Patrick Amiot dont le cœur est depuis longtemps enfoui au terminus des objets inutiles. Sans états d’âme ni culpabilité aucune, il exécute les perturbateurs tout en passant pour le plus courtois des hommes. Bienvenue dans un monde au cynisme le plus décomplexé ! Mais un jour, après un attentat, la ville devient rousse. A chaque coin de rue, des renards apparaissent, rentrent dans les maisons, font leur terrier dans le sol des grands chantiers de Maupertuis. Un affrontement sanglant va commencer mais où l’homme va devenir le plus bestial des animaux.

Un roman aussi déconcertant que captivant qui se lit avec une surprenante avidité. Un roman qui serait parfait pour une adaptation cinématographique, les images défilent déjà devant le livre par la précision des descriptions sans jamais trainer en longueur. Un roman qui décortique tout le machiavélisme d’une société et de ses représentants lorsqu’ils se convertissent en redoutables prédateurs. Si le portrait de Christian Maupertuis peut rappeler peu ou prou d’autres personnages de fiction voire de la réalité – hormis son travestissement progressif – le personnage de Patrick Amiot est saisissant ; loin d’avoir le sens de l’honneur d’un célèbre Samouraï, on se met à le détester tout en cherchant à en savoir davantage sur ses motivations et ses dérives assassines.

Un tempo haletant, un humour noir sans tomber dans certains artifices habituels, une originalité dans la progression du roman, un récit qui interroge sur nos sociétés, nos démocraties, la déshumanisation des grands centres urbains et cette animalité qui sommeille chez les humains. Quant au renard c’est peut-être à lui de porter l’oriflamme de la liberté…

La Ville Rousse ou le panache d’un écrit !

La Ville Rousse – Fabrice Lardreau – Editions Julliard – Octobre 2020

2 commentaires:

english room a dit…

Wow! Merci de nous donner envie de lire ce livre. Avec le dernier J-C Rufin, La princesse aux petits moi. Belle journée.

Squirelito a dit…

Merci pour votre retour. Oui, le nouvel Aurel arrive demain et révèle les dessous du Starkenbach ;-))))) Belle lecture avec La Ville Rousse, un roman qui m'a captivé, bon entre un écureuil et un renard, peut-être une histoire de panache !

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