Une noisette, un livre
Ultime preuve d’amour
Michel Canesi – Jamil Rahmani
Vous est-il arrivé de parfois tomber amoureux d’un personnage de roman ? C’est très rare pour ma part et pourtant ô combien ce Rachid a su me charmer, m’émouvoir, l’envie de le prendre dans mes bras et caresser la noblesse de son âme.
Une histoire d’amour à trois mais partagé à chaque fois entre deux. Dans une Algérie écartelée, que ce soit à la veille de l’Indépendance ou pendant la guerre civile quelques décennies plus tard. En 1962, Pierre est un pied-noir, il milite pour une Algérie française, fait partie de l’OAS, au grand dam de ses parents. Il est jeune, exalté. Et amoureux. Fou amoureux de la belle Inés, une native du pays au tempérament déterminé et militant au FLN. Ils sont voisins, se fréquentent, s’aiment. Ensemble ils décident de concrétiser leur amour une après-midi à l’hôtel Aletti. Mohand le groom voit le couple, bien différent de ceux qu’il a l’habitude de guider dans les étages. Que vont devenir ces amants d’un jour ? Pierre partira en métropole la mort dans l’âme, Inès est presque convaincu que son amour est perdu à jamais dans son cœur. Lors d’une manifestation, un homme la remarque, puis la retrouve. Il sait tout sur elle, Mohand lui a raconté son passage clandestin à la chambre numéro 310, chambre qui sera l’écrin de la nuit de noces entre Inès et Rachid… Deux décennies plus tard, Rachid est condamné par la maladie en pleine guerre civile algérienne, il n’a plus qu’un seul désir, celui de protéger sa femme.
J’avais découvert le duo Canesi & Rahmani avec Alger sans Mozart et je retrouve la même partition à quatre mains pour une histoire bien différente mais toujours aux effluves méditerranéens à la fois enivrants de beauté et piquants de blessures. Avec toutefois une belle métaphore sur la possible réconciliation entre les deux rives de la Mare Nostrum.
Deux plumes qui cheminent à l’unisson sur le destin des êtres que tout va séparer dans un amour qui n’arrivera pas à se briser malgré les déchirements d’une Algérie qui, à l’instar du couple, ne désirait que vivre, s’épanouir lors de l’indépendance tant attendue. Mais qui se retrouvera une fois encore dans les cendres des flammes de la violence humaine. Images en cascades, diaporama sur l’intolérance et envolées lyriques sur fond de poésie. C’est tout simplement beau, bien au-delà d’une simple histoire d’amour ; un hommage à la paix, à la liberté, à la femme émancipée.
« Elle était splendidement belle. Je m’approchai d’elle, ses amies scandaient : « Algérie algérienne ! » Elle me fixa quelques secondes de ses magnifiques yeux verts, mon visage n’accrocha pas son regard et elle détourna la tête. Je tentai désespérément d’attirer son attention mais elle disparut bientôt emportée par le foule… C’était une déesse descendue de l’Olympe pour fêter la victoire, bientôt Zeus se saisirait de son doigt et l’entraînerait vers le séjour des dieux. Une seule coupe d’ambroisie lui ferait oublier Constantine et moi, pauvre mortel, garderais à jamais son image divine et la tristesse du passant anonyme face à une madone intouchable ».
Ultime preuve d’amour – Michel Canesi et Jamil Rahmani – Editions Anne Carrière – Janvier 2020
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