lundi 8 février 2021

 

Une noisette, un livre
 
De sel et de fumée
Agathe Saint-Maur

 


Piquant et gustatif. Goûteux quand le sel est dosé, corrosif quand il n’y plus que lui. Dans la mystique il est à la fois purificateur et maléfique, symbole de justice pour Pythagore, cendres pour les alchimistes. Ces cristaux représentant l’amitié, là il est l’amour. Mais il partira en fumée après les flammes qui ont jailli entre Samuel et Lucas.

Lucas est parti, Lucas est mort. Samuel, dévasté, raconte. Raconte cet amour perdu, cet amour fait de passion et de colère, de larmes, de sang, de joie. Lucas n’est plus, il ne reviendra pas ; Samuel ne pourra pas lui dire que la porte est à nouveau ouverte, lui qui l’a mis dehors peu de temps avant son trépas. Les croissants ne pourront pas le faire ressusciter même si Lucas pensait que les viennoiseries réparaient tout. L’intolérance, la haine a tué Lucas, ce Lucas, hétérosexuel, qui n’avait aimé que des femmes et qui s’était mis en couple avec Samuel plus orienté vers la bisexualité. Amis à Sciences Po ils étaient devenus amants, torrides amants. Tout les séparait et pourtant tout les a unis, le paradoxe qui rassemble, à coups d’étincelles, de baisers brûlants et de sexe incandescent. Incandescence des flammes, étincelles de l’amour, cendres des ténèbres de la mort.

En dépit de quelques errances, un premier roman qui porte tous les espoirs d’une plume explosive. Agathe Saint-Maur. Retenez ce nom, son écriture et son imagination ne peuvent qu’interpeller. Elle ne se regarde pas dans un miroir en glissant les mots, elle crée des personnages de romans qui sont plus authentiques que des vrais. Intéressant cette capacité à se fondre dans le corps d’un homme puis à faire tenir le lecteur malgré le manque d’action réelle. Tout est basé sur cette relation de soufre et de désir et les quelques longueurs ne finissent que par se convertir en de nouvelles pistes pour un tourbillon incessant. La jeune autrice a choisi d’alterner la vie d’avant et la vie d’après, Samuel avec Lucas, Samuel sans Lucas, ce qui laisse une large place au thème du deuil, au vide après la disparition d’un être aimé et aux sentiments contradictoires de la vie et de la mort : l’éternité n’est pour personne mais les regrets rongent celui qui reste pris dans l’étau de la tristesse et de la culpabilité.

Sodome et Gomorrhe, détruites par le feu et le soufre, Loth transformé en statue de sel ; l’histoire de la mer Morte version XXI° siècle du temps de la Manif pour Tous… Et un amour perdu, brisé.

« Je sais en tout cas depuis longtemps que se toucher c’est succomber. Deux personnes qui se sont aimées ne peuvent continuer à se détester qu’à la condition d’une distance respectable entre leurs corps. Le corps est à la porte d’entrée dérobée du cœur, celle par laquelle on ne voit pas le danger passer. La peau a la mémoire de l’amour bien plus longtemps que les cerveaux ».

« Le sexe, c’est juste la manière la plus complète d’être avec quelqu’un »

« L’amertume prend le pas sur ma solitude confortable. J’ai envie d’être deux, on est trois, et je suis tout seul ».

« Je pense que c’est une chance que la justice ne soit pas passion mais raison ».

« Les choses qui arrivent sont plus longtemps des souvenirs que des moments présents ».

De sel et de fumée – Agathe Saint-Maur – Editions Gallimard – Janvier 2021

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