Une noisette, un livre
La chambre des coupables
Mathieu Delahousse
Voici
un livre au cœur de l’actualité et qui aurait manqué s’il n’avait pas été
écrit. Comment peut-on juger réellement le terrorisme ? Si le journaliste
judiciaire n’apporte pas de réponse bien définie, il permet néanmoins d’éclairer le sujet en
racontant le processus.
C’est
une enquête effectuée de 2017 à 2019, sur les comparutions d’une quarantaine de
djihadistes devant la 16° Chambre du Tribunal Correctionnel (avec le
déménagement du TGI entre temps) de Paris et l’étude des dossiers. Pratiquement
aucun des cas n’ont été médiatisés et l’auteur s’est attardé plus précisément
sur une dizaine de prévenus.
Entre
un prologue et un épilogue excessivement percutants, le lecteur a l’impression
de s’installer dans la salle d’audience tant chaque détail est copieusement
relaté, comme pour bien faire comprendre l’ambiance qui règne face à la
lourdeur des faits. Sont relatés les échanges entre l’accusé et les magistrats, le rôle des
avocats (pour la défense ô combien est souligné que leur rôle n’est pas
accessoire mais primordial) et la mise en avant de cette si abstruse tâche que de devoir séparer le
vrai du faux, le réel du dissimulé, de recouper toutes les auditions et les
différentes enquêtes, preuves et pièces à conviction à l’appui.
Pris
dans un étau de conscience, le journaliste a essayé de parler sans haine et de
mettre uniquement l’accent sur le rôle de la justice, le tout dans une
objectivité qui est, on peut le dire, un véritable tour de force. Car même si
personne ne peut omettre la tragédie et toutes les vies brisées de par le monde
face à l’hyper violence et à l’embrigadement sanguinaire, il est important de
bien analyser les situations des uns et des autres, tenter de comprendre
l’incompréhensible pour éviter une descente de Charybde en Scylla. Se prémunir
de « l’intruse » c'est-à-dire de l’opinion publique, qui parfois tire
trop la justice par la robe mais dont on ne peut, d’un autre côté, ne
pas prendre en compte. Exercice d’équilibriste pour que les fils de vie des uns
et des autres puissent, du moins pour certains, se rééquilibrer.
« Pour résister, je
me raccrochais à la vieille Marianne qui veillait, posée sur un petit
promontoire de la 16° chambre du vieux palais, face à l’horloge. Si son buste
de plâtre blanc avait tenu jusque-là, il fallait croire qu’il ne tomberait pas
cette fois ».
La chambre des coupables
– Mathieu Delahousse – Editions Fayard – Janvier 2019
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