Souvenirs d'un médecin d'autrefois

dimanche 31 mars 2019


Une noisette, un livre


 Venise à double tour

Jean-Paul Kauffmann




Jean-Paul Kaufmann n’est pas le genre de personne à enfoncer des portes ouvertes. Il préfère, et ce pour notre plus grand plaisir, rechercher la difficulté, tenter l’impossible, se ronger les noisettes afin d’accéder à l’inaccessible, aux lieux verrouillés quasi interdits.  Parmi les lieux de prédilection de l’écrivain, se trouve Venise. Non pas pour la place Saint-Marc ou le Pont des Soupirs mais pour les sites insolites oubliés des touristes et des guides à leur encontre.

Elevé dans la tradition catholique, ancien enfant de chœur, Jean-Paul Kaufmann a décidé de s’installer quelques mois avec son épouse dans la ville aux cent clochers pour essayer de fouler les voies impénétrables des églises fermées. Une gageure face à l’administration de la curie vénitienne en ajoutant le caractère privé de certains anciens édifices religieux. Avec l’aide des hasards des rencontres comme avec Alma, guide touristique et d’une volonté infaillible, il va pouvoir débloquer quelques cadenas, malgré les obstacles, malgré l’attitude du Grand Vicaire, si énigmatique que l’on se demande s’il n’est pas l’un des descendants de La Joconde…

Une visite insolite dans l’ombre de Sartre, Pratt et surtout avec le fantôme de la psychanalyse de Jacques Lacan, se déroule entre un tableau de Palma le Jeune ou la fresque du Paradis du Tintoret, et, s’ajoutent des découvertes grandioses (comme justement où a été peinte la toile pour le Palais des Doges, c'est-à-dire dans la Scuola della Misericordia) et une réflexion judicieuse sur le catholicisme et par extension sur « le christianisme dionysiaque de Venise », cette foi qui interdit et qui pardonne, ces dogmes austères et qui à travers l’art osent la nudité et toutes les tentations.

Si la notion de l’espace est à peine effleurée, une large place est accordée au temps, toujours ce temps mais dans une version bénéfique, celle où il faut le laisser agir sans l’effacer. A force de trop raccommoder, on supprime le pourquoi d’une œuvre d’art, on gomme l’histoire d’un monument. Comment ne pas penser à Alberto Giacometti qui soulignait judicieusement qu’une « sculpture égyptienne cassée, un Rembrandt tacheté, rayé, pâli, noirci, restent aussi belle sculpture, aussi belle peinture que le jour où elles ont été faites ». A l’instar des rides, signe de vieillissement, et donc de vie, rides qui sont les mots inscrits sur le visage et le corps de l’individu. Pour les pierres, ce sont des siècles d’éclats et de tragédies qui nous parlent.

Jean-Paul Kaufmann n’écrit que des récits, des témoignages et pourtant cet écrivain est à lui seul un personnage de roman. On l’imagine arpenter Venise, poser sa main sur une porte, humer l’air, respirer l’art, communiquer avec Vittoro Gassman, communier avec Luigi Nono, réécrire les histoires de vie avec Casanova.  
Luigi Nono faisait parler le silence, Jean-Paul Kauffmann s’imprime de cette audace pour abolir les frontières de l’inaccessible et rendre audible ce silence des espaces fermés, interdits, abandonnés. Redonner l’existence par le bruit du vide. Sans connaître Venise,  elle vient vers vous. Avec ces portes fermées, des fenêtres s’ouvrent sur un patrimoine à préserver pour que des cantates et non des requiem continuent de s’envoler au firmament de l’empyrée.

Eblouissante tentation de Venise…

« Rien n’est plus beau à Venise que le battant d’une porte d’église ».

« Venise n’est pas dans la nostalgie (…) Elle fait totalement corps avec son passé. Aucun regret avec l’autrefois. Aucune inspiration au retour ».

« Les Mendicati ressemblent à toutes les églises de Venise que j’ai explorées. Aussi belle, aussi luxueuse, aussi profuse en œuvres d’art, avec cette touche d’élégance et de raffinement, cet effet théâtral libéré de toute emphase qui n’appartient qu’à cette ville. Elle remplit parfaitement son rôle d’église. Il n’y manque rien.
Le manque, tout est là. Elle ne me prive pas de quelque chose. Ce quelque chose, c’est l’imprévisible, l’absence, l’odeur de croupi, ce climat étrange ».

« La clé tourne. Il tire la barre. Le bruit grinçant produit par les gonds de la porte métallique, probablement lubrifiés au siècle dernier, est le plus mélodieux que j’ai entendu depuis longtemps. Il y a dans ce frottement pourtant désagréable une telle promesse que je ferme les yeux plusieurs secondes ».



Venise à double tour – Jean-Paul Kauffmann – Editions Les Equateurs – Février 2019



jeudi 28 mars 2019


Une noisette, un livre


 Comme un enfant qui joue tout seul

Alain Cadéo




« Pourquoi es-tu si dur » ?

Une phrase, une interrogation, quelques mots qui vont faire changer le destin d’un homme, celui de Raphaël ou de Barnabé, cet individu aux deux prénoms comme pour pallier le manque de famille autour de lui. La quarantaine flamboyante dans son corps mais beaucoup moins dans son esprit, surtout lorsqu’il entend cette phrase prononcée par un sans domicile fixe au bas de l’immeuble où il travaille. Un coup de poignard, une épée sur le fil d’une vie insouciante et qui brusquement va produire un électrochoc. Raphaël décide de tout quitter : la vie confortable, le travail, l’ego… et partir vers son lieu génétique, vers le sud-ouest, l’océan, l’eau source de naissance et de renaissance.
L’occasion de réfléchir au passé, de penser aux disparus et de rencontrer, le long de son parcours, des êtres authentiques, de la chienne abandonnée qu’il va adopter, à ce vieil homme d’apparence rugueuse mais qui va lui déclamer un amour post-mortem à  sa femme disparue.

Au même moment, on fait connaissance d’Elena, une femme indescriptible, elle aussi noyée dans l’anonymat des gens hors sol, une âme errante à la recherche d’un temps qu’elle refuse d’être perdu. Elle parait presque surnaturelle tant sa façon de se mouvoir, sa réserve, sa discrétion font de cette personne un énigmatique arc-en-ciel. Si seulement ces deux êtres pouvaient se retrouver…

L’écrivain et poète Alain Cadeo signe un nouveau roman d’une sensibilité à fleur de plume. Une très belle réflexion littéraire sur les miroirs des êtres qui, parfois, laissent trop leurs âmes sur le bord de la route, quitte à se perdre en chemin. Il suffit d’un déclic inattendu pour que l’orgueil fléchisse et que la simplicité renaisse. Ce sont ces moments où la vie reprend ses droits, où chaque phénomène de la nature résonne dans son cœur, où chaque instant inattendu est une lumière au rayon magique.

C’est tendre et émouvant, c’est subtil et raffiné. Chaque être vivant retrouve sa juste place dans l’immensité de l’univers, les larmes s’évaporent, les sourires se perçoivent, les mains se tendent. Un roman qui colle au cœur et au corps.

« La vie est un luxe que nous bradons trop souvent comme de sales ados capricieux ».

« Chaque vie est une légende »

« Elle fait partie à ses yeux des rares êtres qui, ayant saboté la norme, nous aident par leur exemple à nous libérer de nos propres craintes. Eux seuls nous permettent d’entrevoir ce qu’il y a de meilleur en ce monde : la liberté plein ciel, aller toute joie dehors au bout de nos possibles ».

« L’émotion, c’est comme un fleuve trop longtemps contenu ».

« Chaque manifestation de vie est importante ».

« Un arbre est une partition de musique, un chant polyphonique. C’est une mémoire vivante nourrie de plusieurs voix, celles du sol et de la terre, celles des vents et des nuages, celles des pluies et des orages, celles enfin de toutes les petites créatures qu’il accueille ».

Comme un enfant qui joue tout seul – Alain Cadéo – Editions La Trace – Mars 2019




mercredi 27 mars 2019


Une noisette, un livre


 Qui ne se plante pas ne pousse jamais

Sophie Tal Men




Quand Jacqueline découvre qu’elle est malade et que sans aucun doute ses jours sont désormais comptés, loin de se morfondre, elle va profiter de ses derniers mois pour vivre encore pleinement et surtout transmettre à ceux qu’elle aime le bonheur et la persévérance.
Son premier geste est de planter un arbre, un saule pleureur pour qu’il prenne le mieux possible racine en ce jour de la Sainte-Catherine. Tout un symbole.
Ensuite, de la Bretagne à Cuba, elle va s’amuser à secouer sa petite-fille Margaux et celui qu’elle considère comme un petit-fils, Alexandre. L’une travaille dans la chocolaterie de son père, l’autre est interne en médecine. Leur montrer que les destins peuvent être transformés par sa propre volonté, que le passé doit être surpassé et que l’avenir appartient à ceux qui savent se relever et avancer. Ne jamais croire en la fatalité mais croire, au contraire en une lumière bienveillante.

Avec humour et surtout énormément de gourmandise, Sophie Tal Men signe un roman bouillonnant de vie, de joie et de bien-être. On se prend d’affection pour Jacqueline qui jamais ne se plaint et qui accepte qu’au crépuscule de ses jours va venir le chemin éternel. Aucun pathos, juste une vision réaliste.
L’écrivain, par ailleurs neurologue, a la délicatesse de ne pas nommer la maladie, juste de décrire quelques symptômes, on devine le mal mais en transparence.

Seul souci à la lecture de ce livre, les frémissements du corps. Car un invité ne cesse de hanter les pages : il est langoureux et parfumé, voluptueux et caresse les palais sans vergogne, joue sur vos faiblesses et nargue vos babines, sait se fondre pour être encore plus séduisant, attire vos lèvres et fait vibrer votre langue, donne des frissons et offre multiples saveurs ; toujours élégant, il se transforme sous toutes les formes avec une aisance à faire tomber la plus ascète des âmes : je nomme Monsieur Chocolat !

Belle dégustation livresque !

« Sans lever le bout de son nez, elle aspira dans sa paille. Longuement, en fermant les yeux. Et les saveurs lui parvinrent une à une. Baignés dans le chocolat, le cri des mouettes se mêla à celui de Josette, puis le rire aigu et saccadé de sa grand-mère noyé dans le cognac et enfin le murmure d’Alexandre. Juste un filet de voix rauque. Un « je serai toujours là pour toi » enfoui tout au fond des glaçons ».

Qui ne se plante pas ne pousse jamais – Sophie Tal Men – Editions Albin Michel – Février  2019

mardi 26 mars 2019


Une noisette, un livre


 Bernadette Chirac, les secrets d’une conquête

Erwan L’Eléouet




Que de pages écrites, d’images diffusées sur Bernadette Chirac, tant, que l’on croit en savoir plus qu’elle sur sa vie. C’était donc une gageure pour le journaliste Erwan L’Eléouet, rédacteur en chef de l’émission Un Jour Un Destin, que de se lancer dans une biographie sur la plus célèbre tortue de France.

« Elle part, elle s’évertue ;
Elle se hâte avec lenteur »

Ténacité, opiniâtreté, persévérance. Le triptyque de vocables qui définie cette femme politique qui s’est construit une carapace sur le chemin des épreuves. Ces dernières débutent dès l’enfance avec une éducation rigoriste sous le feu de la guerre. Interdiction de pleurer, de s’émouvoir, la jeune Bernadette doit se plier aux ordres de sa mère qui estime que la dureté de la vie nécessite une discipline et un contrôle absolu des sentiments. C’est dans cette première partie que l’on découvre une facette inédite de celle qui restera première dame pendant douze ans. Et ainsi, de mieux comprendre cette apparente froideur qui fut longtemps considérée comme une marque de fabrique.

La suite, on la connaît plus ou moins, sa rencontre avec Jacques Chirac, son engagement en politique local, l’Hôtel de Ville de Paris puis le Mont Olympe français, rue du Faubourg Saint-Honoré. A côté, la vie privée avec ses blessures, de la mort prématurée de son gendre au parcours funeste de l’ainée des filles, Laurence.

Bernadette Chirac a traversé une époque où la parité n’était pas encore devenue une logique et où l’image de « femme de » hantait nombre d’épouses (le fameux « sans profession »). Sous des apparences timides, la jeune femme n’était pas moins rebelle, doucement mais sûrement, elle a su se positionner, accepter les humiliations pour devenir une figure incontournable, voire indispensable auprès de son mari.

Erwan L’Eléouet a cette facilité de raconter sans jamais porter un jugement, sauf peut-être celui de choisir ses mots avec déférence et respect quand il aborde des sujets plus intimes et surtout dramatiques. Sinon, il narre simplement, compilant tout ce qui a déjà été dit en cherchant des témoignages inédits auprès des proches de Bernadette Chirac afin de transcrire le tout comme un immense roman de la vie, la vie d’une femme dans l’histoire française. En prenant comme fil conducteur les différentes étapes de son existence qui ont permis à cette femme de s’affranchir et à dépasser les lièvres se trouvant sur son passage. C’est ce qui s’appelle la force d’un destin.

« Ma femme est devenue un homme politique ».

« Bernadette, que beaucoup ont réduite à une femme effacée, ne jurant que par son mari, a finalement réussi bien plus que cela (…) Elle est parvenue à sortir de cette ère ancienne où les femmes n’avaient le droit que de porter de belles toilettes ».

Bernadette Chirac, les secrets d’une conquête – Erwan L’Eléouet – Editions Fayard – Février 2019

lundi 25 mars 2019


Une noisette, un prix littéraire


 Prix Orange du Livre

Premier chapitre




Votre dévoué serviteur au pelage doré cuivré intense est encore descendu de son confortable Acer Saccharinum pour participer à une nouvelle aventure, celle de la délibération du Prix Orange du livre, un prix qui se déroule en deux temps avec nombreux mouvements.

Le premier chapitre de cette aventure livresque s’est déroulé dans le 6° arrondissement de Paris, à trois noisettes du théâtre de l’Odéon mais la pièce qui se jouait pour le bonheur des jurés présents se déroulait au charmant Café des Editeurs. Pour cette onzième édition du Prix Orange du Livre, la distribution est de 15 jurés, répartie entre auteurs, libraires et lecteurs.

Pour la formation des écrivains, on retrouve Jean-Christophe Rufin, nouveau président du jury qui succède à son collègue académicien Erik Orsenna, Joachim Schnerf, lauréat du Prix Orange 2018, Jean-Luc Coatalem, Geneviève Brisac, Cloé Korman et Caroles Fives.

Pour la formation des libraires, elle est composée de Stanilas Rigot de la Librairie Lamartine à Paris et d’Elodie Bonnafone de la Librairie Arcanes à Chateauroux.

Pour la formation des lecteurs, ce sont sept bipèdes, blogueurs ou pas : Nathalie Bertrand (Le boudoir de Nath), Henri-Charles Dahlem (Ma collection de livres), Anthony Descaillot (Les livres de K79), Charles Goire (Charlie et ses drôles de livres), Marlène Goud, Joëlle Guinard (Les livres de Joëlle) et l’écureuil ici présent.

S’ajoutent, les personnes qui travaillent à La Fondation Orange pour sublimer au maximum ce prix, je nomme Françoise Cosson (absente lors de la délibération), Françoise Fernandes, Héloïse Duval, ainsi que la communicante Catherine Roger.

Voilà pour les présentations, le spectacle haut en livres peut commencer.

Tour à tour, chacun a présenté ses cinq romans favoris au sein d’une liste qui comprend tout de même plus de quatre-vingt livres, chacun recevant une liste d’une cinquantaine environ. Autant vous dire, que le temps de lecture est incalculable et que pour certains (dont la bestiole qui vous parle) les nuits se transforment en plateau littéraire avec fluctuations nocturnes de vocables.

A l’issue de ce premier tour, un vote était indispensable, et chacun a soigneusement inscrit sur un bout de papier, ses trois titres préférés. Après un contrôle des urnes pour éviter toute sollicitation auprès de la Cocoe, ce sont vingt et un romans qui triomphent et qui, tous, devront être lus et épluchés, par l’ensemble du jury avant la rencontre pour le deuxième chapitre qui s’écrira le 10 mai prochain.

La sélection est la suivante :

Alto Braco – Vanessa Banberger – Liana Levi
Grands Carnivores – Bertrand Belin – P.O.L.
Suiza – Bénédicte Belpois – Gallimard
Habiter le monde – Stépahanie Bodet – Gallimard
La dédicace – Leïla Bouherrafa – Allary
Né d’aucune femme – Franck Bouysse – La manufacture
Belle amie – Harold Cobert – Les Escales
Tout le bleu du ciel – Mélissa da Costa – Carnets Nord
Manifesto – Léonor de Recondo – Sabine Wespieser
Le prix – Cyril Gely – Albin Michel
La plus précieuse des marchandises – Jean-Claude Grumberg – Seuil
Amour propre – Sylvie le Bihan – JC Lattès
La mer monte – Aude le Corff – Stock
Des hommes couleur de ciel – Anaïs Llobet – L’Observatoire
Matador Yankee – Jean-Baptiste Maudet – Le Passage
Personne n’a peur des gens qui sourient – Véronique Olvaldé – Flammarion
A  la ligne – Joseph Pontus – La Table Ronde
Les impatients – Maria Pourchet – Gallimard
Sur la route du Danube – Emmanuel Ruben – Payot & Rivages
Les imparfaits – Sandrine Yazbeck – Albin Michel
Antonie – Gabrielle Zalepi - Zoé

A l’issue des discussions on ne peut plus cordiales (sorte d’entente bis sans aucune idée de Brexit), de joyeuses agapes suivaient avec la Présidente déléguée de la Fondation Orange, Christine Albanel, qui avait rejoint l’équipe des dévoreurs littéraires.

Si l’occasion fait le larron, elle provoque des échanges à l’unisson. Petit moment suspendu que de retrouver des connaissances et découvrir de nouveaux visages. Discuter avec professionnels et amateurs en alternance est un plaisir de fin lecteur et ce jour du 20 mars 2019 restera dans les annales de mon noisetier tant je n’imaginais pas possible de participer à ce jury et palabrer avec autant de belles personnes.

Pour suivre ce 11° Prix Orange du Livre 2019, vous pouvez consulter régulièrement le site de lecteurs.com









samedi 23 mars 2019


Une noisette, un livre


 Le huitième soir

Arnaud de la Grange




Dien Bien Phu. 1954. Rien du merveilleux de la majesté d’Angkor, nous sommes dans l’Indochine du XX° siècle, loin de l’empire Khmer. C’est le théâtre de la dynastie des bombes, des attaques, des tueries, de la mort. Au milieu de ce pandémonium, surgit un lieutenant, presque son spectre, qui sait pertinemment quel sera son destin.

Pourquoi est-il engagé dans cette bataille ? En aucun cas pour amour de la patrie, il n’y a aucune crédulité chez le narrateur mais l'amour de l'humain certainement. Il refuse toute idée de confort et ne veut pas voir un nouveau chaos se profiler comme quelques années auparavant dans l’Europe des années 40. Et puis, il a ce besoin viscéral du déracinement pour ne pas risquer de s’enraciner.
S’ajoute un terrible accident avec la souffrance subit qui appelle à conserver une dureté dans l’existence. Ce combat sans issue est une mise à l’épreuve, se retrouver dans les miroirs  des corps cassés et des âmes en errance.

Pendant huit jours, il raconte chaque instant, du temps présent ou du temps passé. Entre les balles qui pleuvent, les cratères se transformant en tombeaux éternels, le narrateur plonge dans son passé et regarde cette vaillance des hommes autour de lui. De la bravoure de sa mère face à la maladie incurable jusqu’au dernier geste solidaire d’un compagnon de guerre, ce sont dans les moments les plus cruels que la dignité humaine sort ses plus beaux atouts. C’est quand il faut lutter que l’artificiel s’envole pour que seule l’authenticité subsiste.
Il songe à son ancienne fiancée et rêve à cette étrange cavalière sans monture, Pauline, qui permet de se détacher sur plusieurs pages de l’univers sanglant et de se plonger dans la volupté des couples.
Puis, arrive le huitième soir. Nous sommes le 7 mai 1954…

Contre toute attente dans cette obscurité, une lumière indescriptible traverse de part et d’autre ce roman grâce à la splendide écriture : la beauté nargue l’horreur, la sensualité se fraye une place au milieu du chemin des morts.
Ce qui est frappant, c’est la force avec laquelle Arnaud de la Grange narre comment une guerre peut aussi mettre en valeur toute l’humanité de l’inhumanité, mettre un cœur pendant que les pierres pleuvent, mettre des caresses dans le bain de sang, glisser quelques notes de musique dans le fracas des explosions.

Véritable manifeste pacifiste, ce récit qui est proche du document, pose aussi les questions sur cette dichotomie entre ceux qui font la guerre avec courage et ceux qui la déclarent avec lâcheté.

Tableau scriptural de l’homme dans toutes ses contradictions, l’homme capable du meilleur comme du pire, mais aussi, celles de chaque individu comme ce jeune lieutenant qui semble ne pas avoir un comportement spécialement ordalique et pourtant quelque chose de sibyllin le pousse à mettre sa vie en danger, comme si fuir sa tranquillité pouvait avoir une prise sur le destin.
Humainement terrible. Terriblement humain. Un huitième soir qui par sa tragédie peut donner une promesse sur l’aube de la paix.

« Cette guerre traîne depuis huit ans, au mieux dans l’indifférence, au pire dans l’hostilité de la métropole. Notre sort n’intéresse pas, ou il rebute. Les politiques ont fait ce qu’ils savent le mieux faire, décidant de ne rien décider et se défaussant sur le haut commandement ».

« Le clavier d’un piano est une allégorie de la vie, avec beaucoup de touches blanches, longues et claires, et quelques autres, plus petites et plus sombres. Le bien et le mal, avec lesquels toute mélodie doit composer. »

« La lumière s’embellit de son jeu avec l’obscur ».

« Je n’aime guère ceux qui chassent en meute, sans avoir le courage de courir seuls. »

« Un chef aime bien avoir la supériorité du verbe. Rien n’agace plus qu’un subordonné qui sait parler et écrire. »

« D’une phrase comme d’un tableau, on peut ressentir la beauté même si l’on n’en perçoit pas tout le sens. »

« Il y a des heures qui ne reviennent jamais mais on ne le comprend qu’après. On ne vit qu’une fois auprès d’une mère qui se meurt. »

Le huitième soir – Arnaud de la Grange – Editions Gallimard – Mars 2019

Prix Roger Nimier 2019 


dimanche 17 mars 2019


Une noisette, un prix


 Le Prix Orange du Livre en Afrique




En octobre 2018, la Fondation Orange qui est présente dans 18 pays d’Afrique pour divers projets culturels et humanitaires, lançait un prix littéraire destiné à non seulement récompenser un titre mais aussi à mettre en valeur la richesse de la littérature africaine.

Les six finalistes pour cette première édition qui se déroulera au Cameroun, à Yaoundé exactement, sont :

Dajïli Amadou Amal avec « Munyal, les larmes de la patience » aux Editions Proximité pour le Cameroun

Khalil Diallo avec « A l’orée du trépas » aux Editions Harmattan Sénégal pour le Sénégal

Youssouf Amine Elalamy avec « Même pas mort » aux Editions Le Fennec pour le Maroc

Pierre Kouassi Kangannou avec « La rue 171 » aux Editions Eburnie pour la Côte d’Ivoire

Salima Louafa avec « Chairs d’argile » aux Editions Afrique Orient pour le Maroc

Yamen Manaï avec « L’amas ardent » aux Editions Elyzad pour la Tunisie

Une rencontre avait lieu vendredi 15 mars au Salon du Livre de Paris afin de découvrir plus attentivement chaque auteur et d’entendre ce qui les motive dans l’écriture mais aussi leur engagement dans la valorisation de la littérature africaine, la diffusion de leurs œuvres ainsi que leur engagement pour lutter contre toute forme d’obscurantisme, d’amalgame, avec le souci de valoriser l’être humain, la planète et le droit de l’homme et en particulier celui des femmes.
Un débat constructif (hélas trop court) mené par le journaliste Hubert Artus après le discours d’ouverture prononcée par Christine Albanel.

A l’issue de la rencontre, j’ai été particulièrement étonnée par la chaleur humaine dégagée par aussi bien le public présent (venu nombreux) que par les auteurs. Mention spéciale d’ailleurs pour ces derniers qui n’ont pas manqué de remercier les personnes pour leur présence et leur soutien, et d’en apprendre encore un peu plus sur ce continent, berceau de l’humanité. Pour votre serviteur, cela c’est même prolongé jusqu’à la station de métro tant un natif du Cameroun voulait m’en raconter davantage.

Pour connaître l’heureux élu, rendez-vous en mai après la délibération du jury composé de : Yan Amar (France), Valérie Marin La Meslée (France), Nicolas Michel (France), Mohamed Mbougar Sarr (Sénégal, Wilfried N’Sondé (Congo), Michèle Rakotoson (Madagascar), Kouam Tawa (Cameroun), Fawzia Zouari (Tunisie) sous la présidence de  Véronique Tadjo (Côte d’Ivoire).



mardi 12 mars 2019


Une noisette, un livre


 Varsovie – les Lilas

Marianne Maury Kaufmann




Vertige – Silence – Parole – Marche – Bus – Fuite
Des mots qui s’enchaînent, reviennent, s’accumulent. Ils semblent tous tourner, partir et revenir, s’arrêtent pour en prendre d’autres en route, comme un bus roulant sur l’asphalte parisien. Comme celui de la ligne 96, celui le Porte des Lilas et qui tous les jours transporte une dame venant de Varsovie.

Francine, née Edda en 1939 en Pologne. Déjà on devine que sa petite enfance n’a pas été une vallée semée de jouets et de rêves. Très tôt, c’est le ghetto de Varsovie, placée au hasard des évènements, la séparation avec sa mère qu’elle retrouvera en avril 1945, tel un spectre revenant du pandémonium de la Shoah. Jamais la mère ne racontera, plus tard sa fille Francine fera du silence son seul compagnon. Malgré feu son mari Jean, malgré sa fille Roni. Son seul but est d’avoir marché dans les rues de Paris pour fuir. Arrivée vers le crépuscule de sa vie, c’est le bus qu’elle prend tous les jours, c’est dans ce bus qu’elle vit la plupart du temps comme pour tuer ce dernier. C’est là qu’elle va rencontrer Avril et qu’elle surnomme la Bougie. Peut-être parce que ces braises humaines qui s’éteignent lui ressemblent en dépit de la différence d’âge : elle semble fuir, évoluer dans un monde stérile et n’émettre que des ondes négatives. L’attirance pour le néant comme pour se conforter d’avoir en face le miroir de sa vie.

Un roman excessivement touchant sur la solitude et sur ces personnes qui s’enferment dans leur coquille en refusant d’exprimer les blessures qui déchirent leur âme. Ces personnes qui paraissent se conforter en ne prêtant attention qu’à la négativité des êtres pour encore s’enfoncer chaque jour davantage dans le précipice croyant pouvoir ainsi gravir des sommets de renaissance. Pourtant, le récit est loin d’être sombre car même dans l’obscurité des lignes, jaillit une petite lumière qui pourrait bien prendre progressivement un souffle solaire.

C’est aussi une fine radioscopie de ces vies qui déambulent chaque jour autour de nous, des visages que nous croisons, parfois un regard qui s’échange dans l’anonymat le plus absolu. Des impressions qui se forment dans nos esprits sans connaître les uns et les autres, pourquoi l’un rit, pourquoi l’autre se désole. Des histoires derrière chaque ombre et parfois celle que l’on croyait bien obscure peut s’avérer, un jour, être l’aube d’un nouveau chemin.

« Ils ont aussi compris que son nulle part, elle y va seule ».

« Et maintenant, voilà qu’on lui fait signe de la main, depuis une vitrine ! Elle s’approche, lentement : c’est un mannequin, un mannequin qui hèle les promeneurs de son bras maigre, un mannequin exsangue dont la pâleur est sublimée par un total look réveillon, plumes en strass. Francine prend un coup au cœur. La solitude a plus d’un tour dans son sac ».

« Au rythme de la musique, elle explore maintenant tout son bras, suivant le tracé d’une veine. Tout doucement, elle réveille sa peau et remonte vers le pli du coude, tandis que les notes entêtées et lentes, l’escortent. Elle frôle son épaule, la clavicule, le cou où bat une artère, et lentement, elle va à la rencontre des larmes qui coulent sur ses joues ».

Varsovie-les Lilas – Marianne Maury Kaufmann – Editions Héloïse d’Ormesson – Janvier 2019

Livre lu dans le cadre du Prix Orange du Livre 2019



vendredi 8 mars 2019


Une noisette, un livre


 Les miroirs de Suzanne

Sophie Lemp




Et si Sophie Lemp avait fait de ce roman une psyché pour résumer ce qu’un individu peut enfermer, dans sa conscience et son inconscience, comme reflets de la vie et de l’amour jusqu’à parfois être le miroir des autres ?

Quittant son appartement, fenêtres ouvertes, pour seulement une vingtaine de minutes, Suzanne découvre à son retour qu’il a été cambriolé. A part l’ordinateur (que son compagnon Vincent définie comme obsolète) rien de précieux n’a été pris. Sauf, quand dans la soirée, elle s’aperçoit qu’un tiroir est mal refermé, celui où contenait une grande boite en métal avec ces cahiers de jeunesse. Ils n’y sont plus.
Ces cahiers sont ses journaux intimes, ceux de ses 16 ans et de son passage à l’âge adulte. Ses rêves, ses espoirs et ses désirs d’amour. Elle y raconte ses premiers émois et surtout sa rencontre avec Antoine, un écrivain de renom de plus de 30 ans son ainé. Une amitié se noue entre eux mais dans leur âme respective c’est déjà de l’amour. Plus âgé, marié, tout semble impossible jusqu’à la symbiose des corps quelques années plus tard. Mais quel sera leur avenir…

En parallèle, on fait connaissance de Martin, livreur de plats préparés qui a abandonné ses études. En jetant une bouteille de bière, il est surpris de trouver dans une poubelle un coffret métallique. Intrigué, il l’ouvre et feuillette les carnets. Puis, les emmène dans sa petite chambre pour les lire tranquillement. Impressionné par le récit, il ne songe qu’à en lire davantage et bientôt se redécouvre à dessiner, tant les mots inscrits lui parlent.

Lire ce roman, c’est se pencher avec des flèches de Cupidon pour voir scintiller les désirs des cœurs et des corps. C’est comme un lac ou une étendue d’eau avec le reflet des branches rejoignant les flots des hasards de l’amour et des jeux du destin. Destins qui se croisent, s’entrecroisent, se séparent, se rejoignent, se ressemblent et se rassemblent, disparaissent et renaissent.
Lire ce roman c’est regarder dans le rétroviseur, laisser de côté les regrets tout en y laissant un peu de soi-même mais pour mieux conduire son chemin de vie dans l’ancre des rêves.
Lire ce roman, c’est confirmer la puissance des reflets de l’âme, des visages de l' espoir et de la lumière qui peut s’y réfléchir dans chacun. Baignés par quelques larmes…

« Raconter à Léa les études interrompues brutalement, les livraisons à vélo pour payer le loyer, les muscles qui se transforment, les pensées absentes, les disparitions, plus de dessins, plus de désirs, plus rien. Lui confier comment, grâce à Suzanne, les rêves sont revenus peu à peu, et ce qu’ils deviennent depuis qu’il s’autorise à travailler moins ».

« Cet amour ancien, qu’elle s’efforçait de décrire le plus justement possible, lui revient dans sa chair. C’est à lui qu’elle destine ces mots, comme si personne d’autre, jamais, ne devait les lire ».

« Dans les larmes de Martin, il y a les souffrances qui sautent aux yeux, celles que l’on devine et celles que l’on côtoie sans les remarquer. Celles qui durent et celles qui finissent par s’estomper. Celles qui font vieillir et celles qui endurcissent. Celles que l’on expose et celles que l’on tait ».

Les miroirs de Suzanne – Sophie Lemp – Editions Allary – Mars 2019

Livre lu  dans le cadre du Prix Orange du Livre 2019





mercredi 6 mars 2019


Une noisette, un livre


Sur la route du Danube 

Emmanuel Ruben




Remonter le Danube de la mer Noire à la Forêt-Noire juché sur un vélo n’est pas synonyme de long fleuve tranquille, l’écrivain Emmanuel Ruben en a fait l’expérience mais c’est pour lui un périple inoubliable et pour nous, humbles lecteurs, des heures de lectures qui sont une source d’enrichissement et une démonstration de nage libre de la pensée.

Avec un ami cycliste ukrainien rencontré dans les Vosges, quelques kilos de chargement et deux montures équipées d’une selle, d’un guidon et de deux roues, d’une bonne dose d’énergie et de passion, c’est le récit d’une chevauchée fantastique (oui, on découvre même une mystérieuse Zyntarie), celle d’une passion européenne aux sons d’une Bohemian rhapsody…

Car le Danube est loin d’être bleu (merci à l’auteur de citer la véritable origine de la valse avec les quelques vers de Karl Isidor Beck et son « der shönen blauen Donau), il est de toutes les couleurs, un peu de jaune à la Jules Verne, un peu de gris pours les jours sombres, un peu de vert pour les jours où on espère. Le fleuve n’est pas qu’une palette de couleurs, c’est le lit d’une mosaïque de peuples (à l’image du cimetière de Sulina), de civilisations ; l’un des berceaux de l’Europe et peut-être une des clés de sa survie si on veut bien en étudier la question géopolitique. Car l’Europe ce n’est pas seulement Charlemagne…Istros et la création du monde…

D’une franchise absolue, l’auteur décrit aussi bien ses sensations physiques de cette odyssée cycliste que ses appréciations, ce qu’il voit, devine, se remémore entre souvenirs d’enfance, faits du présents et faits historiques. Le Danube traverse 10 pays et des siècles d’histoire, ce sont des flots d’émerveillement et des coulées d’horreur, c’est un chant d’oiseau, c’est le cri d’agonie de peuples massacrés, un tourbillon humide de larmes éternelles dans une nature bouillonnante de diversités.

L’écrivain voyageur s’attarde beaucoup aux rencontres, celles des vrais gens du bord du fleuve, ces témoins du temps qui passe : Virgil, le portier érudit de la bibliothèque de Galati, Tchevo et ses trois religions, la serveuse du Petit Café Szilvia ou encore Mila, refugiée croate sans aucune famille et qui a créé son monde avec son petit jardin d’Ybbs en Autriche. Leçons de vie, leçons d’humilité. Et à nouveau, une leçon européenne aussi.

Si je regrette l’absence ou la quasi absence de l’histoire des Habsbourg (mais la saga de Jean Bérenger pourra être à nouveau relue), j’ai aimé les références jusqu’à l’Antiquité et sa mythologie, et, la narration de nombreux faits oubliés ou inconnus, la plupart tragiques, comme le massacre de Novi Sad (Serbie) où 1300 innocents furent massacrés en 1942 par des soldats hongrois et assimilés, ou encore, plus proche, la mort de 400 personnes entre 1945 et 1989 à Devin, ces gens qui voulaient franchir le Rideau de Fer et ont été rattrapés par des balles ou autres moyens létaux. Cette manie de vouloir construire des murs pour empêcher les rêves de liberté se réaliser…

Ce livre n’est pas parfait, l’intermezzo laisse un peu de vagues, on n’épouse pas forcément toutes les idées de l’auteur mais justement il est à l’instar de tout ce qu’offrent la nature, la vie et les cours d’eau : limpides puis opaques, sombres et lumineux, domptés ou sauvages et la diversité dans toute son étendue. D’ailleurs, nos Ulysse des temps modernes trouvent bien monotones les pistes cyclables parfaites autrichiennes, jusqu’à regretter la poussière et la circulation chaotique sur les chemins hasardeux, la perfection est stérile et enlève les pigmentations de la vie.

A l’image des rivières, des bibliothèques, ce récit semble être infini, tant par l’épopée que par la richesse du contenu. Mais infini également après la lecture car ce sont des recherches à venir sur Panaït Istrati, Ferenç Karinthy, sur la bibliothèque de Melk, et pour votre serviteur, le grignotage de documents sur la Bulgarie, pays qui m’a le plus interpellé à mon grand étonnement.

Un roman à louer comme un hymne à l’Europe, à suivre comme le vol d’un héron, l’oiseau qui supervise tout le fleuve et qui par son vol peut « ouvrir la route du Danube pour enfin revoir les étoiles ». A nous aussi d’avoir la même espérance européenne pour ce formidable habit d’Arlequin.

« Toute œuvre littéraire se doit d’être impertinente (…) l’écrivain doit dynamiter les clichés, rester joueur, écrire comme on danse ».


 « Qu’importe le fleuve en lui-même, ce sont ses habitants qui nous intéressent, ce sont toutes ces vies minuscules qui s’égrènent sur ses rives ».


 « Il faudrait écrire un roman-fleuve car les fleuves sont ce qu’il y a de plus libre, un vrai livre doit être comme un fleuve qui fabule, divague, digresse et se ramifie dans les plaines, mais il doit être aussi celui qui tranche, dézingue, érode, traverse les montagnes – il faudrait écrire uniquement des livres sans contraintes et sans intrigues, qui se jouent de tous les genres, de tous les styles, de tous les tons, des romans vrais, pas des romans fabriqués – il faudrait que ce livre épouse au plus près le forme folle du Danube, un roman continu comme un long phrasé jeté dans l’inconnu ».


 « La piétaille se fait toujours zigouiller pour les beaux yeux d’une poignée de seigneurs en quête de gloriole qui peuvent monnayer leur vie, il en va ainsi depuis la plus haute antiquité ».

 « Les rivières aussi sont des bibliothèques en mouvement, versatiles, méandreuses, infinies : elles se composent de tous les livres que forment leurs affluents, elles se traduisent d’un pays à l’autre et changent de langue, de sexe et de nom, voire d’alphabet (…) les rivières charrient sous la forme d’alluvions des pages et des pages de géographie arrachés aux reliefs traversés, enfouissent sous leur remous des strates et des strates d’histoire que se disputent les peuples amalgamés sur leurs rives ».

Sur la route du Danube – Emmanuel Ruben – Editions Rivages – Mars 2019 



Livre lu dans le cadre du Prix Orange du Livre 2019



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