Souvenirs d'un médecin d'autrefois

jeudi 31 janvier 2019


Une noisette, un livre


Histoire d’un chien Mapuche

Luis Sepùlveda




La communauté Mapuche vit depuis une éternité au Chili et en Argentine mais la répression à leur égard est, hélas, tout aussi ancienne. Littéralement « peuple de la terre » (Mapu = terre / Che = gens dans la langue vernaculaire mapudungun), ils sont très proches de la nature, ils font corps et âme avec elle mais beaucoup ont été forcés de s’exiler loin de leurs racines, tout au moins pour ceux qui n’ont pas été exterminés. Ils occupaient une large part du territoire de l’Amérique Latine, désormais on les retrouve pratiquement qu’en Araucanie, lieu où se situe justement le conte de Luis Sepùlveda.
Les Mapuches sont des véritables protecteurs de la nature, leur année est calquée sur ce qu’offre la planète ; la terre, l’eau, treize mois qui partent du 21 juin, au son de la grive, puis au gré des récoltes, des intempéries ou encore des lucioles, ces coléoptères lumineux qui brillent si poétiquement dans les yeux du chien Mapuche. Ces indiens savent favoriser l’écosystème en respectant les plantations et tout ce qui tourne autour d’elles. Mais l’esprit mercantile et conquérant a détruit nombre d’arbres millénaires pour les remplacer par des exploitations de pins et autres espèces plus rentables pour les entrepreneurs.
Le romancier Luis Sepùlveda a une origine mapuche et c’est avec un talent irrésistible qu’il livre des récits pour la jeunesse, mais pas seulement. Chaque adulte retrouvera l’âme d’enfant qui est en lui pour apprécier la délicatesse des sentiments et transmettre ce patrimoine humanitaire.
Ce petit ouvrage, richement illustré par Joëlle Jolivet, raconte l’histoire d’un chien perdu, un berger allemand, sauvé par un jaguar, récupéré par des indiens Mapuches qui, pour le chien, sont comme ses frères. Dans la version espagnole, le chien s’appelle « Leal », c’est-à-dire « loyal » ou « afmau » comme le nomme le fidèle Aukamañ. Hélas, des étrangers sans foi ni loi vont expulser cette tribu pacifique et prendre le chien. Adieu l’amour, adieu la chaleur des uns et des autres, adieu la liberté…
Aukamañ se retrouvera blessé par ces hommes que le chien méprise mais auxquels il a été obligé de se soumettre. Mais le plus fidèle compagnon de l’homme n’oubliera pas son « frère de sang » et va tout faire pour le sauver des griffes de l’étranger. C’est beau, c’est triste. Et une fable tellement réaliste.
Une lecture qui plaira à tous les « amantes de la tierra » et à tous les inconditionnels canins. C’est tendre comme une patte que vous tend un chien, c’est touchant comme son regard, c’est humain comme ces peuples qui vouent une adoration à cette lumière qui les a fait naître : la vie dans toute l’universalité de la nature.
« Nous avons grandi ensemble pendant les courts étés et les longs hivers australs. Nous avons appris ensemble du vieux Wenchulaf que la vie doit être prise avec reconnaissance ».
« Ce petit brin de laine noire sent le bois sec, la farine, le lait et le miel, tout ce que j’ai perdu. Alors, assis, je hurle de toutes mes forces, je hurle pour que Aukamañ sache que je suis tout près et que je vais vers lui. Je hurle parce qu’on n’oublie jamais la voix de la douleur ».
Histoire d’un chien mapuche – Luis Sepùlveda – Traduction : Anne-Marie Métailié – Illustrations : Joëlle Jolivet – Editions Métailié
 

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