Une noisette, un livre
Histoire d’un chien Mapuche
Luis Sepùlveda
La communauté Mapuche vit depuis une éternité au Chili et en Argentine
mais la répression à leur égard est, hélas, tout aussi ancienne. Littéralement
« peuple de la terre » (Mapu = terre / Che = gens dans la langue
vernaculaire mapudungun), ils sont très proches de la nature, ils font corps et
âme avec elle mais beaucoup ont été forcés de s’exiler loin de leurs racines,
tout au moins pour ceux qui n’ont pas été exterminés. Ils occupaient une large
part du territoire de l’Amérique Latine, désormais on les retrouve pratiquement
qu’en Araucanie, lieu où se situe justement le conte de Luis Sepùlveda.
Les Mapuches sont des véritables protecteurs de la nature, leur année
est calquée sur ce qu’offre la planète ; la terre, l’eau, treize mois qui
partent du 21 juin, au son de la grive, puis au gré des récoltes, des
intempéries ou encore des lucioles, ces coléoptères lumineux qui brillent si
poétiquement dans les yeux du chien Mapuche. Ces indiens savent favoriser
l’écosystème en respectant les plantations et tout ce qui tourne autour
d’elles. Mais l’esprit mercantile et conquérant a détruit nombre d’arbres
millénaires pour les remplacer par des exploitations de pins et autres espèces
plus rentables pour les entrepreneurs.
Le romancier Luis Sepùlveda a une origine mapuche et c’est avec un
talent irrésistible qu’il livre des récits pour la jeunesse, mais pas
seulement. Chaque adulte retrouvera l’âme d’enfant qui est en lui pour
apprécier la délicatesse des sentiments et transmettre ce patrimoine
humanitaire.
Ce petit ouvrage, richement illustré par Joëlle Jolivet, raconte
l’histoire d’un chien perdu, un berger allemand, sauvé par un jaguar, récupéré
par des indiens Mapuches qui, pour le chien, sont comme ses frères. Dans la
version espagnole, le chien s’appelle « Leal », c’est-à-dire
« loyal » ou « afmau » comme le nomme le fidèle Aukamañ.
Hélas, des étrangers sans foi ni loi vont expulser cette tribu pacifique et
prendre le chien. Adieu l’amour, adieu la chaleur des uns et des autres, adieu
la liberté…
Aukamañ se retrouvera blessé par ces hommes que le chien méprise mais
auxquels il a été obligé de se soumettre. Mais le plus fidèle compagnon de
l’homme n’oubliera pas son « frère de sang » et va tout faire pour le
sauver des griffes de l’étranger. C’est beau, c’est triste. Et une fable
tellement réaliste.
Une lecture qui plaira à tous les « amantes de la tierra » et
à tous les inconditionnels canins. C’est tendre comme une patte que vous tend
un chien, c’est touchant comme son regard, c’est humain comme ces peuples qui
vouent une adoration à cette lumière qui les a fait naître : la vie dans
toute l’universalité de la nature.
« Nous avons grandi
ensemble pendant les courts étés et les longs hivers australs. Nous avons
appris ensemble du vieux Wenchulaf que la vie doit être prise avec
reconnaissance ».
« Ce petit brin de laine
noire sent le bois sec, la farine, le lait et le miel, tout ce que j’ai perdu.
Alors, assis, je hurle de toutes mes forces, je hurle pour que Aukamañ sache
que je suis tout près et que je vais vers lui. Je hurle parce qu’on n’oublie
jamais la voix de la douleur ».
Histoire d’un chien mapuche –
Luis Sepùlveda – Traduction : Anne-Marie Métailié – Illustrations :
Joëlle Jolivet – Editions Métailié
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