Une noisette, un livre
Félix et la source
invisible
Eric-Emmanuel Schmitt
Les
pierres, le vent, la nature… autant d’esprits, autant de forces pour donner aux
êtres vivants une énergie pour suivre le chemin de vie.
Eric-Emmanuel
Schmitt poursuit sa série du « Cycle de l’invisible » avec pour
protagonistes un garçon de douze ans et sa maman, et, en filigrane, l’animisme,
une religion sans en être une, mais une forme de spiritualité, sûrement. Une
psyché orientée vers la nature, du processus conscient au processus
inconscient.
Suite
au décès de son voisin épicier, la maman de Félix, Fatou, perd peu à peu toute vitalité,
à tel point que son fils pense qu’elle est morte. Heureusement, il y a Madame
Simone qui va prendre les rênes du café et les clients habituels comme Robert
Larousse (je vous laisse deviner pourquoi ce nom, si je raconte tout, plus
aucun charme de découverte). Cependant, son état empire et Félix décide
d’appeler oncle Bamba, seul membre supposé de la famille. Parce que Félix est
sans père, il a juste été reconnu par le… Saint-Esprit, un superbe Martiniquais
qui s’est juste contenté, au départ, d’un acte de chair. S’ensuit une recherche
du pourquoi du comment avec l’aide de marabouts plus spécialisés par
l’accumulation de billets que par des soins d’apaisement de l’âme. Bamba ne
sachant plus quoi faire décide de faire appel au Saint-Esprit… La deuxième
partie du livre commence, de Belleville, la famille part au Sénégal, sur les
terres des ancêtres de Fatou, Papa Loum et Archimède le chien devenant les
maîtres de cérémonie de l’imperceptible.
Cette
nouvelle approche spirituelle par l’aède des religions, est d’une finesse
d’esprit qui laisse le lecteur avec le sourire, surtout si ce denier ne songe
qu’à communier avec la nature (dixit un écureuil arboricole). Une méthode
profane mais qui transforme l’écriture en une foi, donnant à chaque opus une
envie de découvrir par d’autres ouvrages les racines des différentes croyances
terrestres.
Que
vous y croyez ou que ne vous n’y croyez pas, que vous soyez flûte ou
violoncelle, vous ne pourrez que succomber à la légèreté de la narration, telle
une légère brise de palabres, adopter l’humour aussi fin qu’un brin d’herbe au
printemps, imaginer en vrai le petit Félix, humer l’invisible.
L’écrivain
qui déclare « ne pas écrire mais s’assoir » a certainement épousé le
plus confortable des fauteuils pour livrer sur un plateau des histoires où les
belles âmes se rencontrent. De l’animisme spontané (celui de l’enfance) à
l’animisme civilisé (la vision de l’invisible par le visible), Félix nous
transporte doucement vers une paix intérieure et qui fait rêver par ces temps
où l’homme ne songe que trop à ensevelir plutôt que de s’élever.
« Son défaut à mes
yeux était de n’en avoir aucun ».
« Or, quand on n’a
plus de passé, on n’a plus de présent non plus ,et encore moins
d’avenir ».
« Maman pointait le
doigt vers un baobab colossal, massif, ventru, aussi large que haut, si
puissant qu’on avait l’impression qu’il avait été posé sur cette terre rousse
plusieurs millénaires avant par des titans. L’énorme base, constituée de troncs
agrégés les uns aux autres, s’achevait en une couronne de branches
irrégulières, sans feuilles, qui suçaient l’azur, comme si l’arbre, posé à
l’envers, plongeait ses racines dans le ciel ».
« L’esprit soigne
l’esprit ».
Félix et la source invisible –
Eric-Emmanuel Schmitt – Editions Albin Michel – Janvier 2019
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