Une noisette, un livre
Ce qu’il reste de nos
rêves
Flore Vasseur
Autant
le dire de suite, quand j’ai abordé cette lecture j’étais tel un être pénétrant
à petits pas dans une grotte, une profondeur inconnue au sol glissant et parois
abruptes sans peintures rupestres. J’étais en totale solitude avec mon livre
dans les pattes dans un univers obscur, en manque d’oxygène, bref de
l’underground le plus total. Car si votre serviteur utilise les réseaux sociaux
et la toile de l’Arachné des temps modernes (pas ceux de Charlie Chaplin),
l’ensemble des www. et autres 2.0 me sont aussi étrangers qu’une veillée
automnale de cloportes.
Pourtant,
après quelques hésitation et glissades, la greffe a pris : la personnalité
d’Aaron Swartz et le style de narration de Flore Vasseur, qui semble vivre dans
le fantôme du jeune prodige, ont eu raison de ma perplexité.
Aaron
Swartz était la statue de la liberté à lui tout seul. Surdoué, informaticien,
militant, activiste, il voulait sauver le monde par Internet, rendre accessible
la culture pour tous. Idéaliste, il a mis en place de nouveaux procédés
informatiques et écrit multiples textes, parfois se transformant en
pamphlétaire pour la bonne cause. Mais, il est repéré par les autorités
américaines et sa liberté ne tient plus qu’à un fil. Il choisira un autre
monde, qu’il pourra ou non changer, en se suicidant à l’âge de 26 ans.
On
découvre un enfant, un adolescent, un jeune adulte doué, hyper doué et,
forcément, hyper sensible. On le croyait asocial et pourtant il aimait son prochain
et était capable d’empathie. Mais sa vie, c’était l’informatique et les livres.
Il lisait et créait. Il créait et lisait. Il pensait que l’outil Internet
pouvait libérer l’homme sans penser que c’était peut-être l’esclavage qui se
profilait. On se prend d’affection pour ce jeune homme, peut-être pour sa
singularité, peut-être par l’exquis portrait croqué par Flore Vasseur dans un
style d’écriture et de présentation fécond.
La
journaliste et auteure qui s’était déjà penchée sur les lanceurs d’alerte avec
des documentaires sur Edward Snowden et Lawrence Lessig ne pouvait qu’essayer
de retracer le bref parcours de cet idéaliste, et ce, avec la bénédiction de
Jean d’Ormesson. Oui, vous avez bien lu. Elle part aux Etats-Unis pour rencontrer
ses proches, ses parents Susan et Robert, Larry Lessig, le défenseur d’un
Internet libre, le militant Ben Wikler, ses amis, en tentant de prendre l’enveloppe
d’Aaron Swartz, en marchant sur ses pas, s’immisçant dans son empreinte, se
fondant dans cette société américaine où derrière le tout réussite, la misère
sociale est sans fin, sans espoir de renouveau. Avec un grand questionnement
sur le pouvoir, les pouvoirs, la démocratie.
Vaste
réflexion sur le numérique, ses forces, ses faiblesses, ses dangers avec les
prédateurs des géants du web. Avec le sentiment que lâcher un peu les écrans,
prendre du recul sur les cascades virtuelles, n’est peut-être que le seul moyen
de garder un peu liberté. Et de rêves aussi.
« Dans la vie, il y
a peu de réponses et encore moins de justes ! N’hésite jamais à poser
toutes les questions que tu veux et à qui tu veux. Tu testeras les
connaissances de ton interlocuteur et lui rendras service. Ne cherche pas à
plaire, mais à progresser ».
« Les livres sont
des trésors. Car il s ont toutes les réponses à la vie ».
Ce qu’il reste de nos
rêves – Flore Vasseur – Editions Les Equateurs – Janvier 2019
Flore Vasseur lors du lancement de son livre le 10 janvier 2019 |
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