dimanche 20 janvier 2019


Une noisette, un livre


 Ce qu’il reste de nos rêves

Flore Vasseur




Autant le dire de suite, quand j’ai abordé cette lecture j’étais tel un être pénétrant à petits pas dans une grotte, une profondeur inconnue au sol glissant et parois abruptes sans peintures rupestres. J’étais en totale solitude avec mon livre dans les pattes dans un univers obscur, en manque d’oxygène, bref de l’underground le plus total. Car si votre serviteur utilise les réseaux sociaux et la toile de l’Arachné des temps modernes (pas ceux de Charlie Chaplin), l’ensemble des www. et autres 2.0 me sont aussi étrangers qu’une veillée automnale de cloportes.

Pourtant, après quelques hésitation et glissades, la greffe a pris : la personnalité d’Aaron Swartz et le style de narration de Flore Vasseur, qui semble vivre dans le fantôme du jeune prodige, ont eu raison de ma perplexité.

Aaron Swartz était la statue de la liberté à lui tout seul. Surdoué, informaticien, militant, activiste, il voulait sauver le monde par Internet, rendre accessible la culture pour tous. Idéaliste, il a mis en place de nouveaux procédés informatiques et écrit multiples textes, parfois se transformant en pamphlétaire pour la bonne cause. Mais, il est repéré par les autorités américaines et sa liberté ne tient plus qu’à un fil. Il choisira un autre monde, qu’il pourra ou non changer, en se suicidant à l’âge de 26 ans.

On découvre un enfant, un adolescent, un jeune adulte doué, hyper doué et, forcément, hyper sensible. On le croyait asocial et pourtant il aimait son prochain et était capable d’empathie. Mais sa vie, c’était l’informatique et les livres. Il lisait et créait. Il créait et lisait. Il pensait que l’outil Internet pouvait libérer l’homme sans penser que c’était peut-être l’esclavage qui se profilait. On se prend d’affection pour ce jeune homme, peut-être pour sa singularité, peut-être par l’exquis portrait croqué par Flore Vasseur dans un style d’écriture et de présentation fécond.

La journaliste et auteure qui s’était déjà penchée sur les lanceurs d’alerte avec des documentaires sur Edward Snowden et Lawrence Lessig ne pouvait qu’essayer de retracer le bref parcours de cet idéaliste, et ce, avec la bénédiction de Jean d’Ormesson. Oui, vous avez bien lu. Elle part aux Etats-Unis pour rencontrer ses proches, ses parents Susan et Robert, Larry Lessig, le défenseur d’un Internet libre, le militant Ben Wikler, ses amis, en tentant de prendre l’enveloppe d’Aaron Swartz, en marchant sur ses pas, s’immisçant dans son empreinte, se fondant dans cette société américaine où derrière le tout réussite, la misère sociale est sans fin, sans espoir de renouveau. Avec un grand questionnement sur le pouvoir, les pouvoirs, la démocratie.

Vaste réflexion sur le numérique, ses forces, ses faiblesses, ses dangers avec les prédateurs des géants du web. Avec le sentiment que lâcher un peu les écrans, prendre du recul sur les cascades virtuelles, n’est peut-être que le seul moyen de garder un peu liberté. Et de rêves aussi.

« Dans la vie, il y a peu de réponses et encore moins de justes ! N’hésite jamais à poser toutes les questions que tu veux et à qui tu veux. Tu testeras les connaissances de ton interlocuteur et lui rendras service. Ne cherche pas à plaire, mais à progresser ».

« Les livres sont des trésors. Car il s ont toutes les réponses à la vie ».

Ce qu’il reste de nos rêves – Flore Vasseur – Editions Les Equateurs – Janvier 2019

Flore Vasseur lors du lancement de son livre le 10 janvier 2019


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