Une noisette, un livre
Voix sans issue
Marlène Tissot
Le
dernier roman de Marlène Tissot n’est pas une impasse mais un boulevard de
résistance face aux accidents de la vie.
Mary et Franck. Rien ne pouvait faire songer que ces deux êtres écorchés par leur enfance pourraient un jour se rencontrer. Et, pourtant, leurs routes vont se croiser malgré les ralentisseurs de l’existence.
Mary
est coiffeuse, a pu apprendre un métier malgré l’enfer qu’elle a vécu dans son
enfance et adolescence : un père qui l’aimait trop ou plutôt qui ne
l’aimait pas comme un père mais comme un prédateur libidineux, et ce, avec la
bénédiction d’une mère silencieuse et soumise au pouvoir familial phallique.
Franck
est gardien de nui dans un cimetière et parfois le silence des morts lui semble
plus réconfortant que le cri des vivants. Il a été battu par sa mère et a
grandi en ayant peur des femmes, cette douleur d’enfant non aimé ne cessant de
le hanter. L’absence de père est un poids supplémentaire dans son existence qui
est devenue néanmoins un peu plus tranquille après avoir fait les 400 coups.
Une placidité apparente qui s’enfonce dans la monotonie et où les blessures se
rouvrent au moindre soubresaut.
Des destins douloureux que d’aucuns nommeraient ordinaires mais l’auteure les convertit en personnages extraordinaires. Pudiques à l’extrême, Mary et Franck surmontent comme ils peuvent leurs angoisses, leurs regrets, leurs cauchemars ; une révolte intérieure sans violence extérieure. Combatifs, ils poursuivent leur chemin de vie dans ce roman excessivement touchant, à la fois brutal et poétique, dévastateur et positif. Le tout sublimé par des variations énigmatiques qui jouent sur la sonorité des mots dans le grand fracas des existences.
La lecture terminée, le premier sentiment qui surgit est l’impression d’être loin d’avoir emprunté une voie sans issue mais plutôt avoir entendu un chant d’espérance pour des voix libérées.
« Je me dis que l’humanité pourrait être divisée en deux groupes : ceux qui souffrent et ceux qui font croire qu’ils souffrent ».
« Ce n’est pas si facile de bouger son cul quand on n’a nulle part où oser le traîner ».
« Les petits gestes de bonté pure, je trouve ça plus touchant que des montagnes de belles paroles. On devrait nous apprendre ça à l’école ».
Voix sans issue – Marlène Tissot – Editions Au Diable vauvert – Mars 2020
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