lundi 29 juin 2020

Une noisette, un livre

 

Les matins de Lima

Gustavo Rodriguez

 

Trinidad Rios. Sacrée femme ! Son parcours n’est pas une longue jungle tranquille, elle qui a vécu dans celle de Madre de Dios au sud du Pérou au milieu de tous les excès et des orpailleurs illégaux.

Elle est encore une enfant lorsqu’elle retrouve sa mère sans vie dans le bordel où elle travaillait et s’enfuit rapidement pour rejoindre sa grand-mère à l’autre bout du pays qui ne l’aidera pas. Grâce à une rencontre avec une femme ange-gardien, Trinidad va réussir à devenir couturière et à créer sa propre société. Mais à 30 ans, la maladie la rattrape suite aux quantités de mercure ingurgitées dans son jeune âge. Nécessitant une greffe rénale, elle doit absolument retrouver son géniteur, Daniel Rios, un chanteur qui a pris pour répertoire les chansons de Bee Gees et qui surfe plus sur les mauvaises pentes que sur les sommets. Quand elle réussit à le joindre par téléphone, le premier contact est prometteur, mais que se passera-t-il lorsqu’ils vont se voir enfin, face à face pour la première fois…

Ce roman de Gustavo Rodriguez a tout pour plaire : divertissant il est pétri d’humour (parfois noir) et de tendresse, jamais à court de rebondissements et fait voyager le lecteur dans ce pays d’Amérique latine, théâtre de toutes les dichotomies à l’image de sa géographie. Malgré les nombreux personnages, les narrations des errances des uns et des autres et les flash-back, aucune longueur ni lassitude, l’intrigue et les judicieux – voire piquants – dialogues transforment ce récit en un immense tableau d’une société contemporaine avec les inégalités, les trafics ; l’exubérance d’une jungle humaine avec des cœurs qui battent.

A l’instar de la couverture, tout est haut en couleurs et la verve de la plume s’agite dans tous les sens créant une écriture à la fois poétique et délicieusement argotique. Parfois tragique mais jamais pessimiste, parfois féroce mais nullement haineux, un tableau parfait sur la dureté du monde où vivent des âmes humaines de toutes les diversités. Avec comme héroïne, une femme qui ne lâche jamais. En fait du pur « Staying alive », enfin plutôt du « Sobreviviendo ».

« Un jour, j’ai entendu à la radio que ce pays vivait sur un escalier moisi. Le roi d’Espagne écrase son ambassadeur, l’ambassadeur d’Espagne écrase le notable blanc du coin, le notable blanc écrase le notable blanc qui n’est pas allé dans le même lycée que lui, et ce notable blanc d’un autre lycée écrase son employé qui est un peu moins blanc, et l’employé un peu moins blanc écrase son inférieur encore moins blanc…

-       Et nous, on est où ?

-       Bah, tout en bas, la Reine des neiges ! Ou presque. Où veux-tu qu’on soit ? Dans ce pays il n’y a rien de pire que d’être métis ou basané, et le pompon c’est d’être aussi une femme.

-       Et le roi d’Espagne alors, personne ne l’écrase ?

-       Si, la reine d’Angleterre. »

Les Matins de Lima – Gustavo Rodriguez – Traduction : Margot Nguyen Béraud – Editions de l’Observatoire – Février 2020


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