Une noisette, un livre
Les corps conjugaux
Sophie de Baere
Tout
commence comme dans un conte de fée ou presque. Alice Callandri est issue d’une
famille modeste mais elle est belle, même extrêmement. Alors sa mère veut
la faire devenir célèbre en la convertissant en une miss de la beauté. De
podiums en podiums, Alice triomphe et multiplie les amours éphémères. Jusqu’au
jour où son tendre frère trisomique se jette par la fenêtre. Elle réalise ce
que devient sa vie et s’enfuit pour dire : STOP ! Elle en vient à
exécrer la superficialité et le goût des apparences. Elle veut vivre de son
esprit et non avec son corps, elle veut aimer avec son cœur et non avec
uniquement son sexe. Et ne veut plus être le jouet de sa mère.
Elle
reprend des études et vit de petits boulots, fréquente toujours sa sœur Mona et
fait la connaissance de son voisin, Jean, enseignant et passionné de
cerf-volant. L’amitié naissante se transforme vite en amour, un délicieux amour
quand deux êtres ne font plus qu’un. De leur union paraissant inébranlable nait
une petite fille Charlotte. Bonheur suprême. Mais un jour, la mère d’Alice,
sachant sa mort venir, révèle le terrible secret. Un secret effroyable qui va
briser le couple et transformer leur histoire en tragédie grecque.
Un
roman qui subjugue en premier pour le personnage d’Alice, une femme qui lutte
contre ses démons, se sacrifie, tombe et se relève. Pour retomber à nouveau
mais continuer le chemin de son destin par la force et la puissance de ses
sentiments. A ce bijou humain, il fallait l’envelopper du plus bel écrin. Ce
qui est fait par l’art scriptural de Sophie de Baere auquel elle ajoute le
phrasé de l’âme et la voluptueuse sensualité des gens qui aiment, qui s’aiment.
Sophie
de Baere qui avait déjà démontré ses talents de romancière lors de son premier
opus « La dérobée » développe avec maestria tout ce qu’elle avait en
réserve dans sa plume enchantée. Elle possède en elle quelque chose qui ne
s’invente pas, qui ne s’apprend pas ; quelque chose qui est innée et qui
force l’empathie : la couleur des sentiments. Chez l’écrivaine, ils sont
forts et puissants, oscillent entre le rouge passion et le noir crépusculaire,
ils flirtent sur des ailes dorés pour embrasser le nacre d’une volupté. Avec un
seul fil conducteur : l’amour. Un fil comme une pelote dans un labyrinthe
d’amours tumultueuses mais où personne ne peut se permettre de juger. Comme
dans l’opéra de Saint-Saens, on pourrait chanter « Qui donc commande quand
il aime »
« Tandis que je me
laisse emporter par la magie de ses paroles d’enfant, les portes s’allègent,
les murs rosissent de contentement, la verdure se fait caresse. L’enthousiasme
charmant de mon hôte glisse sur la pente de mes bras et rejoint la terre du jardin
qu’il rend encore plus belle et fertile. Je reste là. Allongée. Le corps
germinal. Ce soir, je voudrais danser avec les éléments, enlacer les fleurs et
les massifs, célèbrer tous ces êtres de chlorophylle qui, chaque jour, me
raccrochent, malgré moi, au vivant ».
Les corps conjugaux –
Sophie de Baere – Editions JCLattès – Janvier 2020
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