Une noisette, un livre
Des humains sur fond
blanc
Jean-Baptiste Maudet
Après
le succès de « Matador Yankee » (Prix Orange du Livre 2019),
Jean-Baptiste Maudet change de continent et nous entraîne en Sibérie au pays
des rennes après avoir côtoyé celui des vaches.
Une
rumeur circule dans les bureaux de Moscou, des rennes seraient contaminés par
un fort taux de radioactivité et il faudrait faire des vérifications sur place
pour savoir quelles mesures prendre. L’enquête tombe sur Tatiana, une
scientifique moscovite qui est en vacances sur les bords de la Mer Noire, sa
réputation est assez volcanique et sa réponse est assez directe. Mais elle n’a
pas le choix. Elle devra partir dans un avion proche de figurer aux rayons des
antiquités, un Antonov avec un pilote, Hannibal, lui aussi trouvé sur la même étagère du
temps… S’ajoutera à ce duo improbable la pétillante Neva, une femme issue de la
tribu des Younets et qui servira d’interprète auprès des éleveurs nomades. Mais,
évidemment, rien ne va se passer comme prévu. Surtout dans ces glaces
sibériennes où gisent des mammouths…
Jean-Baptiste
Maudet est l’exemple même de l’écrivain qui ne se prend pas au sérieux et qui
aime bousculer les gens par la grande foule des mots. Tout porte à croire qu’il
manie la plume comme un exercice de rodéo tant il caracole sur les bosses des
existences mais en faisant ressortir toute la bravoure, la vaillance des âmes,
parfois avec dureté, parfois avec tendresse et c’est en quelque sorte un binôme
qui fonctionne particulièrement bien.
Autre
énorme avantage de ce nouvel opus : un roman rocambolesque à souhait avec
de vrais personnages de fiction, ce qui manque un peu dans le paysage
littéraire français trop ancré, à mon goût, à l’autofiction. Là, on s’accorde
avec le franc-parler de Tatiana, on applaudit Neva entre sa prise de liberté et
sa voix de diva, on fond de tendresse pour l’apparence d’ours mal léché
d’Hannibal.
Si
certains écrivains s’imprègnent de musique pour convertir les mots en sons,
Jean-Baptiste Maudet fait partie de ceux qui écrivent visuellement, et même
cinématographiquement tant les mouvements sont omniprésents dans cette fresque
aux paysages blancs. Ces humains s’illustrent pourtant dans une polyphonie
romanesque où chaque individu est à la fois pluriel et singulier.
« Certains
téléphones imitent le son du téléphone »
« Les animaux
ignorent de quoi sont faits les humains, si bienveillants parfois et capables
des pires horreurs dès qu’ils s’affolent ».
« Après la plaine,
ils s’enfoncent dans une forêt de mélèzes aux branches tombantes. Parfois l’une
d’elles, alourdie par la neige, rompt et laisse s’envoler des flocons légers.
Malgré l’inquiétude qui les accompagne, Tatiana s’émerveille d’écouter ces
arbres craquer qui bientôt renaîtront d’un vert tendre. Quoi qu’il arrive, il
fallait quitter cet abri. Son père lui lisait parfois des contes où l’on
voyait, dans la taïga trempée de brume, l’hermine, la zibeline, le renard roux
sortir de leur tanière sous les premiers rayons. Tous les souvenirs de son père
la plongent dans un âge incertain où elle observe une petite fille hors du
temps qui confond ce qu’elle vit et ce qu’elle rêve ».
Des humains sur fond
blanc – Jean-Baptiste Maudet – Editions Le passage – Janvier 2019
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