Une noisette, un livre
Embrasements
Kamila Shamsie
Le
roman commence dans un aéroport londonien ou Isma, d’origine pakistanaise et de
confession musulmane, rate son avion à cause d’un interrogatoire qui n'en finit
pas. Elle est contrôlée parce que son père est mort il y a plusieurs années lors de son transfert à
Guantanamo et que le frère jumeau de sa sœur est parti combattre à Raqqa.
Finalement, elle peut embarquer pour les Etats-Unis où quelques semaines plus
tard, dans un café, elle rencontre Eamonn le fils du futur ministre de
l’Intérieur britannique, lui aussi d’origine pakistanaise et engagé dans l’aile
conservatrice du Parti conservateur.
Eamonn
retourne en Anglettere et force la rencontre des destins en allant chez une
tante d’Isma pour rencontrer sa sœur, la superbe Aneeka. Il en tombe éperdument
amoureux et ils vivent une relation intense jusqu’au jour où Aneeka lui révèle
l’histoire de sa famille, faite de blessures et de non-dits. Puis, elle lui
demande de l’aider car son cher frère jumeau Parvaiz veut rentrer en Angleterre
tant il est horrifié de voir ce qui se passe réellement au sein des
combattants. Là, les familles vont s’affronter avec le monstre médiatique comme
interlocuteur.
Kamila
Shasie signe un récit aussi superbe que tragique, aussi violent que dramatique.
Une tragédie grecque du XXI° siècle sous les auspices de Sophocle. Comment ne
pas rapprocher Créon de Karamat Lone, Hémon d’’Eamonn, Polynice de Parvaiz et
enfin Antigone d’Aneeka. C’est la vie contre la mort, la lutte de l’Etat contre
la famille. Avec cette comparaison, le final ne peut être qu’explosif mais il
prend toute une grandeur dans cette
analyse pertinente du tragique de l’affrontement et comme pour l’œuvre grecque
ce récit permet, non pas de glorifier la violence mais de tenter d’expliquer pourquoi
elle existe et dénonce tout à tour les mécanismes (secrets, autoritarisme,
embrigadement, amalgame…) qui conduit à l’inéluctable.
S’ajoute
une écriture très poétique qui contraste avec le drame qui se joue. Un drame
qui n’a pas de marque dans l’échelle du temps, les mœurs évoluent mais les
sentiments, qu’ils soient marqués par la haine ou par l’amour, restent
inchangés. Puisse la littérature faire un jour évoluer les choses et ouvrir une
fenêtre sur la tolérance, la compréhension des uns et des autres. Ne plus juger
sur les apparences mais sur la valeur réelle des âmes.
Embrasements – Kamila Shamsie
– Traduction : Eric Auzoux – Editions Actes Sud / Collection Lettres du Pakistan dirigée par Rajesh Sharma - Septembre 2019
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