lundi 18 octobre 2021

 

Une noisette, un livre
 
Les Contreforts
Guillaume Sire

 


Les Testasecca sont les maîtres d’un château fort dominant les Corbières de ses tourelles. Plus de mille ans que les générations se suivent et déposent leurs empreintes dans des passages mystérieux au milieu de ce paysage sauvage et propice à toutes les chevauchées oniriques et fantastiques. Seulement, cet édifice classé Monument Historique est en décrépitude, Léon et Diane, les propriétaires n’ayant pas les moyens de l’entretenir malgré la volonté farouche de rester coûte que coûte sur cette terre ancestrale. Leurs enfants Pierre et surtout Clémence tentent de sauver ce qui reste à sauvegarder. Mais le couperet tombe, devant le péril l’Etat va signer l’expulsion. Ce que refusent évidemment ces châtelains, aussi déterminés qu’ils sont pauvres, aussi vaillants que leurs ascendants qui ont mené moult batailles. Une lutte commence contre les chacals locaux – notaire véreux, bourgmestre corrompu, renifleurs mercantiles – avec l’aide toutefois de l’inspecteur des Monuments Historiques, Tavernier. Mais Léon n’est pas un diplomate né…

Si je n’ai pas éprouvé entièrement une réelle empathie pour les personnages – excepté ceux de Tavernier et de Jeannot, notamment avec une fin touchante au possible – l’ensemble du roman est époustouflant. Guillaume Sire délivre du Giono sur fond de généalogie cathare, impossible de faire abstraction de ce passé surtout que le sujet des Contreforts est tout aussi brûlant avec ces vassaux récalcitrants dans la pure civilisation occitane. S’ajoutent les descriptions de ce château aux « triple donjon et pinacles hérissés de gargouilles à gueule de salamandres », de la nature ô combien malmenée et la plume chevaleresque d’un écrivain qui multiplie les chemins littéraires et horizons romanesques. Tant, que si un jour Guillaume Sire décidait de mettre en fiction l’annuaire téléphonique d’un département, ce serait une épopée aussi captivante que flamboyante ! Et puis, « qu’est-ce qui n’est pas impossible », n’est-ce pas capitaine Clodomir ?

« Les gendarmes sont restés dans les camionnettes, sauf Jeannot que Léon trouve en train de parler avec Diane devant la porte de la cuisine. Les remparts au-dessus d’eux froncent leurs meurtrières. Avec un peu d’imagination, on entendrait presque le tintement des flèches, et on humerait, sous le glacis du chemin de ronde, l’odeur douceâtre de la pois »

« Au bord de l’eau, où se reflètent les égouttements du soleil, un temple déploie ses balustres décorés d’artichauts de cristal et de lions de Némée. Au loin, on aperçoit des falaises, des stupas de grès, des dômes de platine. Clémence révèle à Rachtouille qu’il s’agit de la chambre d’un fils de Clodomir, devenu diplomate sous la Troisième République, d’où la présence des vasques orientales, des verroteries perses et des paravents chinois à quatre feuilles incrustés d’osselets. Rachtouille jurerait que derrière chaque pièce du château s’en cachent dix autres. Il voudrait ne jamais plus en sortir ; vivre dans ces chambres et ces couloirs avec Clémence, sur les rives éternelles de l’Hindoustan ».

Les Contreforts – Guillaume Sire – Editions Calmann-Lévy – Août 2021

 

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