vendredi 8 octobre 2021

Une noisette, un livre

 

Mise à feu

Clara Ysé

 


Tout commence lors de la soirée du nouveau millénaire, une ambiance festive, hors du temps, avec deux enfants, Gaspard et Nine la narratrice, Nouchka la pie apprivoisée et la maman au prénom si évocateur : Amazone. Loin d’être une femme guerrière elle détient pourtant tout le fantasme de la mythologie grecque tant on peut l’imaginer tenant un arc pour l’amour ou en une figure positive pour une Iliade contemporaine sans aucun rejet pour la gent masculine. Une femme fleuve aux accents indomptables.

Nous sommes à Paris et ses environs mais on pourrait transporter l’histoire n’importe où sur terre avec l’évocation de la nature. Tout parait aller dans le meilleur des mondes dans cette maison où soufflent un doux brun de folie et une immense gaieté, la mère ayant « pour règle sacrée que tout ce qui favorise la joie est autorisée ».

Seulement un mauvais œil rode, celui de l’oncle, le Lord. Homme violent, alcoolique, lubrique, doté d’un peu tous les défauts sans un seul de bon. Inquiétude, angoisse…même les bougies voient leurs flammes vaciller et c’est l’incendie. Fuite, une calèche les transporte, tout est encore virevoltant, comme une mousse rose pour colorer le gris des nuages à venir. Sans aucun souvenir apparent les deux jeunes enfants se retrouvent chez leur oncle pour une durée indéterminée. Heureusement la pie veille et des lettres sibyllines d’Amazone arrivent régulièrement. Le temps passe, les souvenirs restent tenaces, des ombres s’effacent d’autres refont surface.

Un premier roman qui coule dans les flots de l’onirisme, du mystère, de l’incroyable. Des mots en forme de pansement pour adoucir les épreuves de l’absence, du deuil, de la violence mais aussi en forme de boules lumineuses pour éclairer la solidité de l’amitié, l’amour de la fratrie et l’éveil des sens dans la volupté des corps qui tendant vers la vie. Même si l’issue se dessine très (trop) rapidement, c’est un récit à la fois initiatique et surréaliste, le réel frappant aux portes de l’imaginaire dans un esprit où l’âme de Boris Vian semble planer.

Tout est mouvement, des phrases semblant s’envoler du livre comme une sculpture s’échappant d’un musée, le tout orchestré par une baguette allant du plus disjoncté d’un DJ aux langoureuses suites d’un violoncelle. Mais c’est peut-être le thème récurent qui en fait résume mieux cette aventure, celui d’une chanson immortalisée, entre autres, par Nina Simone et David Bowie :

Let me fly away with you

For my love is like the wind 

And wild is the wind.

 

“Elle avait fait advenir la langue du vol, de l’air, de la liberté, entre nos bouches”

« Toute personne qui tombe a des ailes ».

« La peur a un vocabulaire physique qu’elle ne partage qu’avec l’amour. Et c’est peut-être pour cette raison que c’est toujours l’amour qui nous en sauve ». 

Mise à feu – Clara Ysé – Editions Grasset – Août 2021

Prix Littéraire de la Vocation 2021

 

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