mardi 26 octobre 2021

 

Une noisette, un livre
 
Le roi qui voulait voir la mer
Gérard de Cortanze

 


Il était une fois au royaume de France un roi malgré lui. On lui en fit perdre la tête. Pourtant méritait-il ce sort ? N’était-il pas au contraire un monarque plus proche des humbles que de cette coterie qu’il détestait par-dessus tout ? Bien plus intelligent que n’a voulu le faire croire la légende il a certainement eu le tort de ne pas se considérer comme l’homme le plus important de France, de faire de l’hésitation sa démarche première, de se soucier du sort des faibles, d’avoir lui- même cette faiblesse restant interdite aux gens de pouvoir – le fameux oignez vilain il vous pondra, poignez vilain il vous oindra – et de se laisser aller à quelques rêves, comme celui d’aller voir la mer.

Gérard de Cortanze se base sur des faits réels pour retracer ce voyage normand effectué par Louis XVI en juin 1786, une décision prise par le roi lui-même malgré les réticences de ses proches conseillers qui l’accompagneront… et qu’il compare parfois à des singes ou des perroquets. On le met en garde de ne point trop se moquer, la vengeance est monnaie courante à Versailles, mais il n’en a cure. Il savoure ces jours de tranquillité, de méditation et de simplicité auprès des humbles, malgré les réceptions protocolaires. Le long du parcours, la foule crie « Vive le Roi » et lui de répondre « Vive mon Peuple ». Une parenthèse enchantée pour ce roi qui parait subitement bien plus décontractée, plus loquace parmi les soldats, marins et paysans qu’auprès des nobles et de leurs épouses enrubannées.

Plume vivace, ton audacieux, dialogues croustillants, un roman qui replace le dernier monarque de l’Ancien régime dans un contexte bien différent que d’habitude et montre un roi humble et humain. Quelques piques parsemées comme des petits cailloux pour montrer comment certaines révolutions se nourrissent, comment quelques « grands » s’arrangent pour pousser le peuple dans une rébellion semblant spontanée. A côté de l’aspect politique, ode à la mer, ode à ceux qui la bravent, ode à la nature en général et à ces âmes fugitives capables de donner du courage dans la tragédie de l’Histoire des hommes.

« Il lui apparut très clairement que trois choses étaient belles dans la Création : la lumière, l’espace et l’eau. Jamais il n’avouerait à ces trois hommes la raison profonde qui lui faisait tant désirer ce voyage à Cherbourg. Certes, la rencontre avec son peuple, dont il avait été coupé depuis l’enfance, était un élément décisif dans sa décision, mais plus encore son désir de voir la mer où, il en était sûr, la lumière vient se fondre à l’espace et à l’eau ».

« Pendant que la tablée bruissait de méchanceté à son encontre, Louis semblait étrangement radieux. Il connaissait tellement tout ce que cachaient ces masques avenants, ces sourires fabriqués, ces bassesses diplomatiques, que par moments cela ne le blessait plus ».

« On ne possède pas la mer, on est possédé par elle ».

Le roi qui voulait voir la mer – Gérard de Cortanze – Editions Albin Michel – Septembre 2021

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