Souvenirs d'un médecin d'autrefois

mercredi 10 mars 2021

 

Une noisette, un livre
 
Un fils sans mémoire
Valentin Spitz

 


C’est l’histoire d’un fils à la recherche de son père, une quête d’amour vers un père absent, un long chemin d’un « je t’aime moi non plus, de longues questions pour tenter de comprendre le pourquoi du comment et inversement ; la procédure pour porter un nom, une bataille entre deux cœurs qui semblaient battre à la désunion et à en perdre la raison. C’est l’histoire d’une construction qui s’est faite en destructions, ce sont ces vies où l’on pose une première pierre, puis quelques autres  suivies d’un éboulement. Une naissance qui semble sans fondation mais qui arrive à se poursuivre grâce à un pilier irremplaçable : la mère. Mère célibataire, mère en muscle soléaire pour maintenir toujours debout son enfant.

Ceci n’est pas un roman. C’est un témoignage, une autobiographie aussi cathartique que salutaire. Cathartique pour celui qui ne cesse depuis l’enfance de poser des mots sur les maux, salutaire pour celles et ceux qui se retrouveront dans cette absence de socle : un père, une mère, des grands-parents, un frère, une sœur… pas définitivement partis mais apparaissant comme des ectoplasmes entre deux espoirs de retrouvailles.

Ceci n’est pas un livre de lamentations. C’est simplement raconter les failles qui finiront par se raccrocher entre elles. Pour arriver à continuer la transmission. Car le passé est là pour comprendre le présent et s’attacher à l’avenir. Ce passé d’un père connu mais quasi inconnu pour son propre fils. En fouillant on cherche, et l’écrivain trouvera des archives sur son père, sur la possible enfance avec ce grand-père alsacien avec une lointaine origine allemande enrôlé de force pendant la deuxième guerre mondiale dans l’armée hitlérienne. Quand les blessures du corps rejoignent celles de l’esprit… La famille est un arbre mais avec des racines bien plus énigmatiques et des branches qui peuvent casser. Mais quand d’autres naissent, c’est un nouvel espoir de ramures rassemblées.

Malgré une forme foutraque – mais probablement voulue pour mieux transcrire les houles d’une âme errante –  un récit excessivement touchant sur ce long parcours de reconnaissance, d’un fils qui refusait de voir un amour rompu. Une histoire n’est jamais seule, elle s’imbrique dans d’autres, celle d’une nation ; elle subit aussi, comme pour ce changement de nom...les aberrations d’une administration enfermée dans des tiroirs bureaucratiques. Mais la ténacité agrippe les rênes pour transformer les meurtrissures en force du destin.

« A cet instant, je comprends que, si cette image m’est restée dans la tête, c’est que c’était la première fois de ma vie que mes parents étaient ensemble, là devant moi, sur ce trottoir du boulevard Raspail, un vendredi soir d’été. Il avait fallu ce livre, il avait fallu que je devienne écrivain pour les forcer à se trouver au même endroit et à se parler, et je tenais là ma première victoire sur l’histoire qu’ils m’avaient imposé de vivre ».

Un fils sans mémoire – Valentin Spitz – Editions Stock – Février 2021

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