Une noisette, un livre
Rivage de la colère
Caroline Laurent
Chaque
roman est nécessaire. Pour le plaisir de la lecture, pour l’évasion, pour
l’immersion dans des personnages. Mais aussi pour apprendre et sensibiliser.
C’est le cas du dernier opus de l’écrivaine et éditrice Caroline Laurent qui
libère un long silence, un trop long silence dans l’effroyable assourdissante
déportation des habitants de l’atoll de Chagos vers l’ile Maurice au début des
années 70. Les natifs de cet archipel de l’océan Indien n’ont jamais pu
retrouver leurs terres, ils ont été volés, chassés, humiliés sans que la
communauté internationale se soulève pour dénoncer cette expulsion sauvage dans
le but de construire une base militaire américaine.
A
la fin du XX° siècle, des Chagossiens tentent divers recours en justice contre
le gouvernement britannique mais le chemin est long. Et même si quelques
avancées ont eu lieu en 2019 comme l’annonce de l’occupation illégale, ce crime
contre l’humanité n’est pas encore reconnu à juste titre.
L’histoire
tourne autour de Marie, mère célibataire d’une petite fille qui, loin d’être
riche, est heureuse de vivre sur cette terre, la terre de ses ancêtres souvent
esclaves. Elle est très proche de sa sœur Josette qui vient juste de se marier.
Marie est très belle et lorsque débarque Gabriel, un élégant et séduisant
Mauricien, elle ne cesse de le regarder. Lui aussi tombe amoureux de la jeune
femme. Mais secrétaire du gouverneur, il signe des papiers et connait la
situation qui va en découler : l’expulsion des autochtones vers Maurice
sans aucun billet de retour possible. Le couple va être séparé par la force des
choses et il faudra du temps pour que Marie pardonne le mutisme de Gabriel.
Car, les conditions d’expulsion vont être terribles, barbares et c’est dans un
bidonville de puanteur et de baraques en bois pourri que les familles vont
trouver refuge pour le pire. De l’union de Marie et Gabriel va naître un petit
Joséphin qui sera l’un des protagonistes pour porter devant le tribunal
international de La Haye cette injustice d’un peuple exilé dans les plus viles
conditions.
Difficile
de raconter un tel foisonnement scriptural autour de ces vagues d’injustice et
de la déchirure de tout un peuple. L’auteure a réussi en un seul récit à faire
entrer dans les yeux du lecteur toute la souffrance de l’exil, de l’abandon de
soi-même pour un inconnu aux griffes acérées et, en même temps, à dresser un
superbe portrait de femme qui malgré les décharges de drames continuera à
garder la tête haute et à lutter. Avec son fils comme moteur de vie.
Une
lecture qui écorche, des mots qui tranchent, claquent, fouettent dans cet
ouragan livresque pour emporter le silence et faire du bruit sur une aphonie
collective.
Un
roman superbe pour rendre hommage aux victimes de la violence de l’inhumanité.
« Le courage est
l’arme de ceux qui n’ont plus le choix »
Rivage de la colère –
Caroline Laurent – Editions Les Escales – Janvier 2020
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire