lundi 10 février 2020

Une noisette, un livre


 Le serveur

Matias Faldbakken




Sans vouloir faire un jeu de mots bien ordinaire, je peux dire que l’écrivain norvégien a mis les petits plats dans les grands pour ce premier roman traduit en français.

Un serveur, probablement entre les deux âges, racontent ces journées passées au Hills, un prestigieux restaurant d’Oslo où se succèdent les habituels clients avec qui il maintient une distance pour ne jamais dépasser les limites du service : promptitude, infaillibilité des gestes (ou presque), tenue impeccable, voix posée, paroles frugales, diplomatie.

La première personne que nous rencontrons, un habitué de la table dix près de la fenêtre, est surnommé le Cochon, non pour un aspect porcin mais en raison de sa chevelure grise survenue alors qu’il était très jeune lorsqu'il vivait à Paris. Il était « gris », d’où « Grisen » qui signifie « Cochon ». Il faut parfois peu de choses. Ce monsieur Graham reçoit à sa table des amis et une étrange jeune femme qui perturbe un peu notre serveur même, protocole oblige, s’il ne laisse rien paraître. Il la surnomme la « femme-enfant » ne sachant quel âge elle peut avoir, entre 20 et 35 ans probablement. Elle est séduisante, différente et on ne sait qui elle est. Elle plait, c’est certain.

Et puis, il y a l’ami Edgar qui vient avec sa fille Anna, une veuve très chic, un escroc qui ne le parait pas. Une galerie de personnages qui se fondent dans la vie de ce restaurant entre un chef cuisinier pas toujours aimable, un maître d’hôtel dont les descriptions physiques ne laissent pas indifférent mais ne séduisent guère. Le pianiste est à l’étage, il joue beaucoup Bach, trop peut-être.

Les heures passent et le huis-clos continue. Toujours avec la même élégance, le même humour avec simplement les effluves des plats qui montent aux narines ; on se met à savourer des yeux et à déguster les mots. Matias Faldabkken manie l’écriture comme un chef, sachant doser les ingrédients, peser les vocables, mélanger les sauces qui circulent, saupoudrer de quelques épices sarcastiques, fouetter les neurones du lecteur, en un mot servir sur un plateau d’argent la vie discrète d’un restaurant haut de gamme, de l’entrée jusqu’à la cave en passant par les cuisines. Sans jamais provoquer une indigestion.

Seul regret de ce menu, le repas livresque se termine un peu trop vite avec une impression de rester sur sa faim, mais le charme demeure intact pour ce roman servi et écrit avec des gants blancs. A savourer sans modération. 

Le serveur – Matias Faldbakken – Traduction : Marie-Pierre Fiquet – Editions Fayard – Janvier 2020


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