Souvenirs d'un médecin d'autrefois

vendredi 22 juin 2018


Une noisette, un livre

 

Va où l’humanité te porte – Un médecin dans la guerre

Raphaël Pitti

 

C’est l’histoire d’un petit garçon né à Oran qui grandira dans la foi et s’engagera pour l’autre, pour les autres ; qui suivra la devise du service de santé des armées « va où l’humanité te porte ».

Engagé, vaillant, combatif, altruiste, sincère. Nombreux sont les adjectifs pour qualifier le Dr Raphaël Pitti, celui qui a rendu en décembre 2017 sa promotion d’officier de la Légion d’honneur parce qu’en désaccord avec la politique de ceux qui lui avaient octroyée.

Parce que Raphaël Pitti est un homme d’action, de terrain. Loin des ors de la république, il joue sa vie en secourant les autres, en traversant illégalement la frontière franco-turque, en ayant été en Bosnie, en Irak, au Tchad, pratiquant une médecine de guerre dans le sang de l’inhumanité.

Que ce soit en France ou à l’étranger, il déplacera les montagnes pour améliorer les services d’urgence, la prise en charge des blessés dont le pronostic vital est engagé, former des autres médecins, accompagner et se mettre à la disposition de ceux qui ont besoin de lui, aller là où il peut sauver des vies, et ce, dans le plus grand respect, avec la plus grande rigueur, avec l’autorité nécessaire pour être le plus efficace possible : un seul maître-mot persiste : soigner.  

La formation reste un élément indispensable pour rassembler les compétences et transmettre : « transmettre, c’est rencontrer l’autre. Cela nécessite d’être capable d’expliquer son sujet avec plusieurs approches différentes pour s’adapter à la personne de telle manière qu’elle puisse s’approprier le savoir ».

La Syrie a une place très importante dans le cœur du médecin, pour le pays, les gens. Cette lecture confirme la vaillance du peuple syrien, sa capacité à continuer à positiver malgré la géhenne, sa générosité envers les autres. Au-delà des soins, il va s’impliquer pour valider officiellement l’utilisation de gaz chimiques par le régime ; en apportant du matériel spécifique sur place afin de limiter un peu le carnage, et, en prélevant des échantillons pour analyser les substances. Le résultat sera sans appel…

Aux zones de conflit, s’ajoute une actualité qui, en réalité, remonte à la nuit des temps : les réfugiés, les migrants. Personne ne peut fermer les yeux face à ces migrations forcées et c’est en accueillant l’autre dans la dignité que l’on pourra vivre en paix et partager nos richesses. Cela devrait être une vocation, comme celle de ce médecin humain qui sait tendre la main lorsqu‘un bras est à secourir. De Lampedusa, ce sont des passages déchirants qui sont écrits, relatés avec conviction, détresse mais aussi avec cet espoir de ceux qui ont la foi.
« Les visages de tous ces malheureux échoués à Lampedusa me hanteront longtemps. Je pense souvent à leur destinée, à la fois tragique et belle, tragique pour ce qu’ile endurent, belle d’espérance pour ceux qui parviennent à franchir ce grand cimetière marin qu’est la Méditerranée. »

Raphaël Pitti fait partie des médecins qui font du patient un être unique. La meilleure des guérisons est déjà l’approche du soignant envers le soigné, l’encourager dans sa lutte pour la vie et lui donner tous les moyens, physiques et psychiques, pour qu’il puisse renaître dans son corps, dans son âme.
« Je veux faire comprendre à l’ensemble de l’équipe soignante que le malade est au centre. Il faut humaniser la prise en charge pour le mettre dans le meilleur confort psychologique possible et lui donner envie de se battre et de s’en sortir ».

Ce témoignage est nécessaire car ce sont ceux qui agissent sur le terrain (comme les reporters de guerre) qui peuvent apporter l’information la plus réelle et sensibiliser l’opinion internationale afin de sauver des vies et de redonner espoir aux peuples en inénarrable souffrance.

Récit bouleversant, poignant. Une bible d’humanité, un hymne à l’amour du prochain, un manifeste contre les bombes, un hommage aux soignants (« Nous les médecins nous avons le beau rôle. Nous n’avons qu’à prescrire quand c’est aux aides-soignants et aux infirmiers de soigner véritablement pendant douze heures et sans relâche ») et une leçon d’humilité pour nous humbles lecteurs.

« Une manière de dire non à l’indifférence, à la cécité ambiante devant le malheur des autres, à l’inertie face à la tragédie, qu’elle soit syrienne ou autre. La guerre bouleverse, le drame syrien émeut le monde – et le monde condamne, parle exhorte, juge, menace… mais ne lève pas le petit doigt, comme si les paroles pouvaient se substituer à l’action. Or, seule l’action vaut engagement, même si un engagement véritable s’accompagne souvent d’une prise de risque. »

« J’apprendrai ainsi peu à peu qu’en sauvant, on se sauve soi-même. Nous effaçons notre part d’ombre. Je me révolte encore lorsque je m’aperçois que l’on peut toute sa vie être insensible aux autres, vivre dans sa bulle, hyper-égoïste, autocentré, nombriliste. Nous ne pouvons vivre avec dignité que si nous sommes reliés aux autres. Et tout nous relie, par une longue chaîne consciente et inconsciente. »

Va où l’humanité te porte – Un médecin dans la guerre – Raphaël Pitti – Mars 2018

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