dimanche 12 septembre 2021

 

Une noisette, un livre
 
Bélhazar
Jérôme Chantreau

 


« Empêcher Bélhazar de sortir du cadre, c’était vouloir contenir l’eau dans ses mains »

Cette phrase illustre toute la personnalité de Bélhazar, magnifiquement honoré par la plume de Jérôme Chantreau qui dessine des tableaux oniriques, mystérieux, fantastiques et éperdument poétiques par l’encre à la fois sombre et lumineuse des destins. Celui de Bélhazar a été bref, trop bref mais puisse son âme perdurer par la force des mots et la mémoire des hommes.

Atypique était Belhazar, atypique est ce livre. Semble être une enquête journalistique puis, progressivement, le lecteur entre dans un autre monde où les morts rejoignent les vivants pour mieux saisir la vie, pour terminer dans un univers presque parallèle, celui d’un conte parsemé de mythologie par les reflets de l’autre côté du miroir aux sonorités japonaises d’Inaba.

En 2013, Bélhazar trépasse à la suite d’une interpellation de police, il a seulement dix-huit ans. Que s’est-il passé ? La thèse du suicide est avancée par la justice mais sa mère Armelle refuse la conclusion du rapport judiciaire. Son père, Yann, est plus dubitatif mais peine à y croire également, leur fils avait bien trop de projets, d’amour à transmettre. Son ancien professeur décide de mener sa propre investigation pour aider les parents, découvrir la vérité et rendre hommage à l’un de ses élèves les plus attachants, lui qui défendait tout le monde et que sa mère comparait à un petit Diderot. Une mortelle randonnée commence mais sous les lueurs d’un apaisement pour continuer la vie. Malgré la peine, malgré la tristesse infinie. Magie de l’écriture.

Il est difficile de me surprendre, Jérôme Chantreau l’a fait. Peut-être par cette élégance du style qui vous emporte, peut-être par le dédale de mots qui finissent par former un palimpseste, peut-être par des effluves de Bélhazar qui se répandent sur les pages, ce jeune homme qui « donnait à ses amis l’énergie, le courage d’être eux-mêmes ». On craint de retrouver des fantômes lugubres, on s’étonne à côtoyer des ectoplasmes de lumières. Une lecture que j’oserais nommer si le terme existait « d’autocathartique » et de graver au fond de soi cet enseignement que « l’émerveillement est la seule magie dont nous disposons ».


« L’Ecole vous fait payer votre avance plus cher encore que votre retard ».

« Il n’avait pas besoin de nager pour sentir l’eau sur sa peau, il n’avait pas besoin de gravir des montagnes pour respirer l’air puissant des sommets. Toutes ces choses délicieuses, liées au corps et à l’énergie, non qu’il ne les aimât pas, mais il les connaissait déjà ».

« Yann n’est pas un père banal, comme Bélhazar n’est pas n’importe quel fils. Ils sont de cette espèce d’homme qui vont au bout de leurs idées les plus folles, pour la simple raison qu’ils ne les trouvent pas folles du tout ».

« Un adolescent qui, à dix-huit ans a trouvé le temps de devenir peintre, de vendre des toiles représentant des paysages non répertoriés dans le monde réel, qui a tant collectionné d’objets sur la Grande Guerre qu’il voulait créer un musée, un enfant qui retapait un taxi de la Marne au fer à souder, se passionnait pour les armes d’époque et vivait selon un code d’honneur chevaleresque (…) Un môme que ses amis appelaient Regardeur de soleils, et que pas une personne sur cette terre n’a compris. Un adolescent qui n’a pas connu l’amour, mais en donnait à tout le monde. Un enfant dont la tombe ne porte pas le nom et qui est né d’un miracle ».

Bélhazar – Jérôme Chantreau – Editions Phébus – Août 2021

Livre reçu et lu pour le Prix Blu Jean-Marc Roberts

2 commentaires:

Delphine-Olympe a dit…

Mais oui ! Je vois que nous avons utilisé quelques superlatifs en commun ;-)
Vraiment surprenant et envoûtant, ce roman !

Squirelito a dit…

Oui, Delphine, ce roman nous touche et comme tu dis, surprenant également.

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