jeudi 19 août 2021

 

Une noisette, un livre
 
Soleil amer
Lilia Hassaine

 


Naja vit seule avec ses trois filles dans l’Aurès en Algérie. Son mari Saïd est parti quelques années auparavant pour travailler en France. Etant devenu ouvrier spécialisé, il arrive à faire venir sa famille en région parisienne. Retrouvailles, nouvelle vie, Naja tombe enceinte. Seulement, les quelques rayons de soleil vont tomber rapidement en cendres ; d’illusions en désillusions, Naja va devoir affronter un mari devenu alcoolique et violent, une mystérieuse et envoutante belle-sœur, et des jumeaux qu’elle va séparer faute de pouvoir élever les deux.

Immense plaisir de retrouver la plume de Lilia Hassaine après « L'œil du paon » qui avait déjà charmé votre serviteur ; un roman totalement différent – et c’est tant mieux car j’aurai toujours une préférence pour les auteurs qui se diversifient – mais construit avec la même élégance. Je vois cette autrice comme une créatrice, habillant le corps de son histoire avec la parure des belles lettres, sachant couvrir les maux avec des mots et ornant avec discrétion tout ce qui fait la base d’un costume livresque taillé dans les entrailles du réel.

Des années 50 à nos jours, l’écrivaine fait remonter le fil du temps à travers une famille déchirée entre son pays d’origine et son pays d’accueil. Un thème maintes fois évoqué dans les livres et pourtant la façon dont est structuré le récit fait de « Soleil amer » une découverte,  à commencer par le très beau portrait de Naja, celui d’une femme d’apparence fragile, effacée et qui pourtant détient une puissante force intérieure pour continuer à marcher sur un chemin de vie parsemé de ronces et d’épines.

S’ajoute l’entrecroisement de l’histoire algérienne et française, deux pays liés à tout jamais, souvent pour le pire mais avec l’espoir de voir le meilleur arriver un jour. Au-delà des tragédies politiques il y a celles plus intimes, invisibles et qui perdurent au fil des générations ; ces enfants, petits-enfants pris entre deux cultures et ayant parfois l’impression d’appartenir à aucune. Les adultes font des choix pensant que ce sera le bon sans se douter que tout peut basculer dans un sens à l’inverse des espoirs. Tout s’enchaîne vite, Lilia Hassaine sait motiver la lecture ; en dire beaucoup tout en donnant l’impression d’alléger au maximum le poids de l’histoire. Moult références, parfois presque en transparence et la mythologie en filigrane font de ce roman une radiographie aussi romanesque que véridique.

« Le fil du funambule, c’est la corde de notre âme ».

« L’écrivain, c’est celui qui fait de sa vie le réceptacle des secrets, des sentiments profonds. Il se métamorphose sans cesse, voyage de corps en corps, d’âme en âme, dans une quête métaphysique effrénée. Il s’invente pour comprendre l’autre, conscient que cet autre ne montre toujours qu’une partie de son être, seule la face cachée de la lune l’intéresse ».

Soleil amer – Lilia Hassaine – Editions Gallimard – Août 2021

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