lundi 30 août 2021

 

Une noisette, un livre
 
La fabrique des souvenirs
Clélia Renucci
 


Dans un univers fabuleux où les souvenirs se gravent, se vendent, s’échangent, un jeune passionné de théâtre revit avec frénésie la première de Phèdre à la Comédie-Française en 1942. En s’enivrant des dialogues amoureux de la pièce de Racine, il découvre sans la salle la nuque d’une spectatrice et par les jeux de l’amour et du hasard, c’est le coup de foudre. L’effet Pygmalion est immédiat pour le jeune Gabriel. Travaillant à Canal Académies au sein de l’Institut de France il va interroger son entourage, enquêter et découvrir que cette nuque appartient à Oriane Devancière, une violoncelliste prodige d’avant-guerre. Son amie Sara – qui tente de séduire en vain le jeune passionné de souvenirs – va l’aider ainsi que son frère Edouard même si ce dernier s’amuse puis se moque des élucubrations de Gabriel dans cette quête d’un amour impossible.

Un immense plongeon de Paris à New York dans le monde des arts et de toutes les fantaisies, et pourquoi pas de divins mensonges. Si le début de lecture s’apparente à une marche dans un dédale fantastique hors du temps, le lecteur prend ses repères progressivement, met de côtés les faits paraissant absurdes pour réaliser en refermant le roman que tout est en réalité – si je puis m’exprimer ainsi – savamment orchestré au rythme d’une baguette à la Pau Casals et d’un univers féérique à la Jean Cocteau. Sans omettre, ceux qui donnent vie aux instruments à cordes de Stradivari à Castagni en passant par ce Giacomo si mystérieux – et, entre nous, de me rappeler que Carlo Bergonzi n’était pas uniquement le plus vaillant des Don Carlo ou Rodolfo mais également un autre « personnage » italien.

Pourquoi ne pas penser que tous les personnages sont un peu les « Enfants du Paradis » dans ce conte, où d’ailleurs Arletty fait une apparition, fabricant une toile onirique bercée par un air de Bach mais également par la frivolité d’une drag-queen et le jazzy des êtres inclassables. Roman contemporain mais qui traverse le XX° siècle avec ses ors et, hélas, ses ténèbres dans le pandémonium nazi. L’art vole au secours des âmes, console et permet une renaissance sur les maux les plus férins.

Noisette sur le chapitre, la référence récurrente du livre de Frédéric Vitoux « Au rendez-vous des Mariniers » pour naviguer au cœur de Paris.

La fabrique des souvenirs – Clélia Renucci – Editions Albin Michel – Août 2021

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