Une noisette, un
livre
Le procès de
Spinoza
Jacques
Schecroun
Baruch
Spinoza est né au début du XVII° siècle dans une famille juive marrane-séfarade
qui a dû prendre la route de l’exil vers les Provinces Unies réputées
tolérantes pour fuir la terrible inquisition sévissant dans la Péninsule
ibérique.
A 23 ans, Bento (son prénom en portugais) est sous la menace d’un herem, c’est-à-dire un bannissement pour cause d’hérésie. Fait exceptionnel, il le sera à vie. C’est ce processus du rejet de sa communauté que narre Jacques Schecroun d’une façon romancée mais sans négliger nullement les faits authentiques.
Comment des personnes ayant été elles-mêmes victimes de l’intolérance s’engagent dans un procès réduisant la liberté de penser en une voie unique ? Au fil des pages, le mécanisme est décortiqué avec, forcément, une part d’imaginaire mais en incluant des propos véridiques du philosophe, chantre de la bienveillance et de l’esprit d’ouverture envers les autres. Des débats précurseurs au siècle des Lumières.
Tout va crescendo dans une écriture passionnante qui fait que l’on se retrouve complètement en immersion dans cette communauté hispano-portugaise avec les rites, l’enseignement divin de la Torah, l’histoire de la religion juive avec le Talmud et cette complexité entre croyants, sur la place de Dieu et sa relation avec les hommes.
Ce roman permet de se remémorer la jeunesse de Spinoza avant qu’il ne parte pour La Haye et de retrouver une étrange modernité avec notre époque où les esprits s’échauffent pour un rien, où les tribunaux s’inventent sur les réseaux sociaux, où la religion est encore le fruit de ségrégation voire de condamnation à mort. Tellement percutant et incisif qu’une réflexion sur notre époque est automatique et bien au-delà du phénomène religieux. Historiquement moderne.
« La compétition Le procès de Spinoza aboutit à l’exclusion de l’autre, à son élimination, voire à son extermination, alors que la collaboration et la coopération, tout en permettant de coexister les uns avec les autres, enrichit les sciences, les arts et les métiers ».
« Je ne comprends pas ce qui pousse l’être humain à se créer plus d’interdits qu’il n’en faut pour vivre les uns avec les autres dans une société raisonnablement policée ».
« Hélas, il suffit que deux ou trois excités lancent une croisade et tout le monde suit le mouvement. Car ceux qui se taisent ne sont d’aucun poids par rapport à ceux qui braillent haut et fort ».
Le procès de Spinoza – Jacques Schecroun – Editions Albin Michel – Avril 2021
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