Une noisette, un livre
Versant secret
Patrick Breuzé
Quelque part en Haute-Savoie, vers probablement Samoëns, un homme entre deux âges marche péniblement vers un col à la recherche d’un hébergement. Sa démarche montre qu’il n’est pas du coin, qu’il ne connait pas la montagne rien qu’à la façon de mettre ses pieds. Il porte un grand sac et semble aller vers l’inconnu. Effectivement, il tente une nouvelle expérience pour remettre sa vie vers un autre mouvement. Martin a quitté son grand duplex de Boulogne et, démuni de presque tout, cet ancien médecin devenu cadre dans une grande firme pharmaceutique et en quête d’apaisement et d’authenticité.
Il trouve une vieille ferme au confort plus que rudimentaire, c’est-à-dire sans confort aucun, où cinq ans auparavant un couple d’Anglais a logé. John Cox, passionné d’alpinisme, souhaitait écrire un livre et retracer la grande aventure britannique dans les Alpes et marcher sur leurs traces. Mais son état de santé et sa faible expérience ont décidé de son destin. Cependant, le doute persiste malgré le non-lieu prononcé car une sibylline femme aux chèvres n’est guère apprécié dans le secteur et d’aucuns pensent toujours à sa culpabilité. Martin est d’ailleurs mis en garde.
Qui est cette femme, cette Fanny ? Elle est très belle et le reste malgré ses nombreuses cicatrices que Martin, en tant que médecin, a immédiatement sourcé l’origine. Intrigué, Martin va tenter d’en savoir plus et va rencontrer un surnommé Pin-Pon, l’ancien correspondant du quotidien local qui se console de sa vie ratée avec la dive bouteille…
Un roman très réussi qui emprunte les voies du renouveau par la nature et son immensité. Au fil des saisons, le lecteur se retrouve au cœur d’une montagne, aussi grandiose que tragique, aussi mystérieuse qu’offerte à tous les regards. Peut-être un peu comme Fanny. Beau portrait d’une femme qui se reconstruit et le tableau est complété par le personnage de Martin, sémillant quinquagénaire aussi taiseux que certains natifs de la montagne, aussi vigilant que ceux qui en caressent les croupes. Quelques rencontres pimentent le récit, le correspondant de presse mais aussi la propriétaire du bar épicerie et cette vieille femme touchante qui verra son destin basculer grâce à Martin.
Grande sensibilité de plume et regard implacable sur les êtres et ce qui les entoure comme cette nature que l’on retrouve dans toute sa splendeur presque d’origine au fur et à mesure que l’on prend de la hauteur.
« A genoux devant le foyer du petit poêle, il fallut à Martin Grismons pas loin d’une demi-heure pour allumer son feu. Un ronronnement de chat d’abord, puis une respiration de plus en plus assurée, de belles flammes nerveuses qui s’enroulèrent sur elles-mêmes comme une robe dansante épouse des cuisses. Dans ces mouvements, il y avait quelques chose de sensuel et de vivant ».
« En montagne, durant l’hiver, le jour se lève lentement, la lumière est d’abord laiteuse. Celle qui vient ensuite est longue à s’affirmer, comme si elle cherchait sa place dans ce monde de brumes et de brouillards en mouvement. Grise, bleue, blanchâtre, elle hésite longtemps puis s’installe sans prévenir ».
Versant secret – Patrick Breuzé – Editions Calmann-Levy/ Collection Territoires – Octobre 2020
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire