Une noisette, un livre
Sur tes cils fond la
neige
Vladimir Fédorovski
Lara
et Jivago. Une histoire qui aura marqué et marquera encore pendant des
décennies des millions de lecteurs à travers le monde. Non seulement pour les
deux protagonistes mais aussi pour ce quasi essai géopolitique, et non un
pamphlet politique, sur cette Russie qui va s’enflammer pour devenir l’URSS.
L’ancien
diplomate et porte-parole de la perestroïka Vladimir Fédorovski revient sur la
vie de l’auteur du Docteur Jivago en mettant en parallèle la vie du poète et
son personnage et même ses personnages. Car Boris Pasternak est lui aussi un
personnage de roman : amoureux de sa terre natale, lyrique, passionné,
séducteur et séduisant, tourmenté, romantique, engagé, désabusé, il est tout,
son âme oscillant entre guerre et paix, le thème central de ses œuvres étant
sans équivoque la révolution.
Né
en 1890 dans une famille d’artistes aisés, son père, Leonid Pasternak, est
peintre et sa mère, Rosa Kaufmann, pianiste, il s’épanouit à Moscou dans une
ambiance chaleureuse et féconde, Rilke et Tolstoï étant des familiers, et
hésitera pendant plusieurs années entre devenir compositeur ou écrivain. Son
oreille musicale ayant quelques failles il va opter pour une plume qui déposera, avec beauté et lyrisme, des mots sur la grande partition de la vie.
Et
quel partition écrite ! De nombreux poèmes, dont le recueil « Ma
sœur, ma vie », des traductions et en 1957 il achève son œuvre du Docteur
Jivago. La première édition ne paraîtra qu’en Italie, puis dans d’autres pays,
dont la Chine mais l’URSS condamnera le roman. Il faut dire que les relations
entre Pasternak et le régime soviétique est un immense et ambigu « je
t’aime moi non plus ». Et c’est cette ambivalence qu’essaie de décortiquer
Vladimir Fédorovski, entre l’amour de la patrie, son adhésion spontanée à la
révolution puis l’indignation lors de la grande terreur de 1936, sa crainte
d’être déporté et ce coup de fil surréaliste de Staline. Jusqu’à sa mise à
l’écart lors de la parution du Docteur Jivago et la pression, les menaces du
régime qui le conduira à refuser le Prix Nobel obtenu.
L’autre
grand intérêt de ce récit est la mise en lumière du rôle des différentes
femmes, épouses, maîtresses et amies, qui ont eu une influence certaine sur
Boris Pasternak, de son refus de quitter la Russie parce qu’il était amoureux
ou de la création du personnage de Laura en s’inspirant d’Olga Ivinskaïa, sa
muse, sa maîtresse et en tant qu’éditrice facilita la parution du Docteur
Jivago en Italie, ce qui lui valut par la suite de « goûter » à
nouveau au Goulag !
« Sur
tes cils fond la neige » est parfait pour relire le « Docteur
Jivago » et pour tenter d'en savoir encore plus sur la personnalité de Boris
Pasternak, un idéaliste teinté de mysticisme. Quant au Docteur Jivago, de
mémoire, il incarne les péripéties d’un amour qui ne peut se détacher à la fois
de l’histoire et des sentiments confus entre poésie et révolution. Le tout avec
une fatalité déconcertante dans une « beauté aveugle ».
Pour
terminer, je remets la question qui a hanté Boris Pasternak sa vie durant et
qui est à l’origine du Docteur Jivago : « Pourquoi donc les
bolcheviks triomphèrent-ils en 1917 ? » Vladimir Fédorovski y répond
en partie et, curieusement, son explication et d’une étonnante actualité.
Sur tes cils fond la
neige – Le roman vrai du Docteur Jivago – Vladimir Fédorovski – Editions Stock
– Octobre 2019
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire