Une noisette, un livre
J’irais nager dans plus de rivières
Philippe Labro
Nage libre avec Philippe Labro. L’homme se dévoile dans les flots d’une vie riche mais pas forcément celle d’un long fleuve tranquille ; les courants bienveillants, les surprises en cascades mais aussi les turbulences du corps et de l’âme. Pour lui, mais principalement pour celles et ceux qui ont croisé sa route et qui ont semé des petits cailloux. Petits cailloux devenus grands et qui s’érigent en une montagne avec une avalanche de souvenirs qui, se transformant en encre, vont couler doucement dans les veines d’un livre qui semble palpiter dès qu’on le touche.
De confidences en confidences, d’anecdotes en anecdotes et… de citations en citations, Philippe Labro en parsèment tout le long de son récit et même le titre en est une. Mais le plus important est ce diaporama qui défile sur plusieurs décennies pour célébrer anonymes et personnages de renom, sans flagornerie aucune, juste raconter avec les images véhiculées par celui qui observe en tant que journaliste, réalisateur, écrivain. Avec à chaque fois quelque chose, pas forcément de Tennessee mais commençant avec les mêmes lettres : la tendresse.
Churchill, Chirac, De Gaulle, Giscard, Mitterrand pour les politiques, sans oublier les pages sur Dominique Baudis qui valent à elles seules tout le livre, bel hommage à un homme injustement livré aux chacals pour les affamés de vengeance et de militantisme nauséabond ; Hallyday, Trintignant, Luchini, Gainsbourg, Wolfe, Gary, Picasso pour les artistes ; et les inclassables comme Françoise Giroud ou l’Abbé Pierre, et tous les anonymes qui œuvrent secrètement pour le bien de tous. Philippe Labro prend soin des infirmiers, du personnel hospitalier, des médecins qui chaque jour apportent une aube de lumière dans les crépuscules des destins.
Dans cette rivière de palabres, l’eau ayant remplacé l’arbre, une autre source jaillit ; celle de la musique, ou mieux, celle des musiques : rock, variété, jazz, classique, l’éclectisme d’une gamme allant de Mozart à Hallyday (après tout la date du 5 décembre les unis), de Beethoven à Cohen, jusqu’à une playlist finale qui ne demande qu’à être complétée. C’est toute l’énergie d’un Bob Dylan, la séduction d’un Franck Sinatra et la bienveillance d’un Claudio Abbado.
En refermant ce livre j’ai emporté des images de l’Ouest américain, du Quercy, de Paris ; des notes d’une symphonie ou d’un rock endiablé ; un tableau de Picasso et le regard d’un visiteur dans un musée ; le sourire d’une infirmière et la voix de Simone Veil ; les vers de la Fontaine et la magie de Luchini, le bruissement d’un journal et l’envolée d’un oiseau ; les acclamations d’un Paris libéré et l’assassinat de Kennedy ; les journées à broyer du noir et l’éclaircie d’un matin ; le temps qui passe et le temps des souvenirs… pour nager dans les flots de la vie, grimper sur les sommets de la culture, danser sur les joies du monde, penser à nos chers disparus et continuer à cueillir l’inattendu.
Borgiessement vôtre,
« La poésie, c’est un chant ».
« L’humilité est une force, le sourire est une arme ».
« Tous les jours, matin, midi et soir, nous croisons des femmes, des hommes, des enfants qui font acte de courage mais ne le savent même pas, ou, s’ils le savent, ne le disent pas ».
« Le vrai héros ne cultive pas la starité. En 1940, les vrais héros ignoraient jusqu’à ce mot ».
« L’ego vertigineux disparaît face à la vérité de la douleur ou de la mort possible. L’ego a besoin d’une bonne santé. L’ego surdimensionné est une maladie de riches (…) La lutte pour la vie dispense de toute ivresse égocentrique ».
« Les rencontres sont les cadeaux de la vie ».
J’irais nager dans plus de rivières – Philipe Labro – Editions Gallimard / Collection Blanche – Octobre 2020
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