Une noisette, un livre
Et soudain la liberté
Evelyne Pisier
Caroline Laurent
Evelyne
Pisier. Un prénom et un nom qui disent déjà beaucoup : professeure,
écrivaine, politologue, scénariste… On connait ses combats, son engagement en
faveur des femmes et de la tolérance universelle. Mais sait-on qui elle était
réellement ? Pourquoi ce militantisme qui n’a jamais failli ? D’où
vient-il ?
Née
au Viêt Nam où son père était en poste à Hanoï. Justement son père… Un homme
autoritaire, défenseur de la race supérieure à laquelle il pense appartenir,
admirateur de Pétain et opposant farouche à De Gaulle, il ne jure que pas son
mentor : Maurras ! A ses côtés, son épouse essaie de rendre sa
famille heureuse malgré sa soumission. Elle est belle, il est beau, ils sont
amoureux. Suite à l’invasion japonaise en Indochine, la famille va vivre ses
pire moments : la petite Evelyne est internée avec sa maman dans un camp
de concentration japonais : les privations, les humiliations, la faim, les
maladies et cette terrible heure où la mère sera emmenés par les geôliers, on
devine ce qu’ils vont lui faire subir. Le père est prisonnier dans un autre
camp. Ils se retrouvent mais rien ne sera jamais comme avant. Après un séjour
en France, puis à nouveau en Asie, la famille pose ses valises à Nouméa. Là,
tout va basculer : Evelyne (Lucie) grandit et s’éloigne de la religion, le
père (André) devient de plus en plus irritable et sectaire, la maman (Mona)
s’émancipe progressivement au contact d’une bibliothécaire (Martha, seul
personnage fictif) qui lui fait découvrir « Le deuxième sexe » de
Simone de Beauvoir et prend un amant. Un divorce, un remariage avec le même
homme puis la rupture définitive. Mère et fille vont désormais être unies,
solidaires et mener tous les combats (contraception, avortement, droit des
homosexuels, droit de mourir dans la dignité,…) tout en choisissant cette
liberté de vivre pleinement, au gré de leurs envies, de leurs désirs, que leur
corps respectif soit enfin à elle tout en travaillant pour ne plus dépendre
d’un conjoint ou d’un protecteur.
Décédée
en février 2017, Evelyne Pisier ne pourra pas partager l’émotion de milliers de
lecteurs ni lire son livre co-écrit avec
son éditrice Caroline Laurent, cette dernière ayant continué la rédaction afin
de rendre le meilleur hommage possible à celle qui était devenue son amie. Le
résultat est inouï car on voudrait que le roman soit perpétuel, chaque page est
une révélation et on ne peut prendre une pause, on veut en savoir plus,
découvrir ces vies qui ne se vivaient pas que pour soi-même mais aussi pour les
autres. Un récit éthéré où dominent la pudeur des sentiments malgré les détails
intimes comme, par exemple, la liaison entre Evelyne Pisier et Fidel Castro.
Deux
destins qui auraient pu être ineffables, mais par la magie du roman et de la
plume des auteurs, vont demeurer en mémoire. Caroline Laurent a eu la maestria
d’alterner le récit avec des passages personnels, révélant les instants
partagés avec Evelyne Pisier, le tout avec une délicatesse que même les pages
relatant des faits tragiques paraissent avoir été écrites sur du velours.
Peut-être parce que ce roman est un peu cathartique…
Prodigieux
portraits de femmes, une mère et sa fille. Seul bémol, l' autre pilier familial, la sœur
Marie-France Pisier, n’apparait pas car Evelyne ne voulait pas la faire entrer
dans un personnage de roman comme l'indique une note en fin de livre. Regrettable...
Et soudain, la liberté –
Evelyne Pisier/Caroline Laurent – Editions Les Escales – Août 2017 / Editions Pocket - Août 2018
Livre lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2018
Prix Elle des Lycéennes - Prix Marguerite Duras - Prix première Plume
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