Souvenirs d'un médecin d'autrefois

dimanche 12 novembre 2017


Une noisette, un livre

 

 

Nulle part sur la terre

Michael Farris Smith


 


 

Nulle part sur la terre. Lire ce titre et rester dubitatif. Où va nous entraîner ce récit entre une maman et sa petite fille, Maben et Annalee, errant sur les routes de Louisiane, et un condamné, Russell, sorti juste de prison, retournant chez lui dans l’incertitude la plus totale ? Peut-être nulle part, peut-être partout, peut-être vers le néant ou bien, tout simplement, vers le chemin tortueux du sort inconnu des femmes et des hommes.

Un roman noir à l’image de sa couverture : vide de toute action mais avec des reflets gris qui s’élèvent par un effet de lumière dans la perspective. Comme pour donner un relief supplémentaire aux deux protagonistes confrontés à un cruel destin mais qui persistent à s’accrocher à la vie en surpassant les épreuves. Et ce, dans la solitude la plus totale.

Autre personnage attachant même si son rôle est plus en transparence, c’est celui de Boyd, un policier au grand cœur, ami d’enfance de Russell, qui se pose 1001 questions sur la vie, la mort, sur le bien, le mal, sur les choses à faire, les décisions à prendre face au mur des incertitudes.

L’un des faits les plus remarquables de ce polar est le mouvement crescendo de l’écriture. D’un début que l’on peut qualifier de banal, on progresse ensuite lentement vers une profondeur des sentiments jusqu’aux descriptions poétiques et philosophiques sur la condition humaine, ses dérives et ses destins. Destins qui basculent à la moindre étincelle, tombent progressivement et, parfois, puisent dans une énergie inexplicable pour retrouver le souffle de l’existence.

Si quelques doutes sont permis en début de lecture, notamment par l’accumulation des « et », la répétition de mots ou d’expressions, ils s’effacent rapidement. On comprend la volonté de Michael Farris Smith de jouer à la fois sur les tournures stylistiques pour la forme et sur les sentiments opposés pour le fond. Le tout afin de transformer son roman noir en une colorimétrie psychologique par des demi-teintes énigmatiques.

« Il baissa les vitre et le vent chaud s’enroula autour de lui comme l’étreinte d’un vieil ami. Il roula et roula jusqu’à ce que toutes les lumières alentour aient disparu et qu’il n’y ait plus que lui et la terre et la nuit. Quand il fut certain qu’il ne risquait pas de croiser d’autres véhicules, il ralentit, éteignit les phares et continua de rouler à la seule lueur orangée de ses veilleuses qui balayaient  la route au ras du sol devant lui comme si la voiture de patrouille était une espèce de vaisseau extraterrestre en mission de reconnaissance sur un terrain inconnu. »

Nulle part sur la terre – Michael Farris Smith – Traduction Pierre Demarty – Editions Sonatine - Août 2017

Livre reçu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2018
 
 

Aucun commentaire:

  Noisette intime Le silence des ogres Sandrine Roudeix   "Il y a des romans qui sont comme des forêts. On les regarde de loin....