Une
noisette, un livre
Presqu’île
Vincent Jolit
Soudainement, à mi-parcours
du nouveau roman de Vincent Jolit, me vient un air, des paroles :
« Connais-tu le pays où
fleurit l’orangerLe pays des fruits d’or et des roses vermeilles
Où la brise est plus douce et l’oiseau plus léger
Où dans toute saison butinent les abeilles »
Non pas parce que l’on peut
qualifier le roman de « Mignon » mais parce que des paragraphes
entiers sont dédiés à un jardin provençal, aux senteurs, aux fleurs qui
jaillissent… Un retour du protagoniste au pays de son enfance, parce qu’il en a
besoin, parce que c’est devenu une nécessité pour essayer de résister. Lui, l’adulte,
blessé dans son corps, qui se retrouve une énième fois enfermé dans une chambre
d’hôpital, qui se sent étouffé après
l’opération et par l’ambiance aseptisée du centre de soins.
Puiser dans l’enfance pour
essayer de fuir ses craintes, pour oublier la vision d’une possible fin, est le
moyen d’évasion du narrateur, lui qui ne peut guère bouger et qui cumule depuis
si longtemps les blocs opératoires et les soins médicaux. Deux personnages vont l’aider dans cette « recherche du temps perdu » : Marcel Proust et Pierre Bonnard le nabi qui avait l’art de sublimer le quotidien. Le narrateur n’en fait pas des héros mais est simplement admiratif de leurs œuvres respectives qui mettent de la poésie dans son univers trop brut. Et puis il y a le personnage de sa grand-mère. Encore un peu on finirait par l’aimer cette femme dynamique et qui avait tant d’affection pour son petit garçon. Elle semble toujours là, près de lui. Comme quoi personne ne meure vraiment, saut, peut-être le jour où plus personne n’est là pour penser à vous…
Une écriture souple, riche
et qui entraine le lecteur à la fois dans le monde glacial des unités médicales
mais en même temps dans un jardin provençal où fleurit le mimosa et où les
vieilles pierres transcrivent tant d’histoires familiales…
« A gauche, se trouve
le jeune olivier que Bonnard toise un instant affectueusement avant de se
retourner pour contempler à nouveau, mais en contre-plongée désormais, le
mimosa pris dans un faisceau de lumière projetant, telle une vague, le vert et
le jaune de ses branches étincelantes sur l’ensemble du jardin, comme pour
concurrencer depuis le sol le bleu triomphal du ciel.
« Par crainte des
serpents et des fauves, je n’essaye point de la franchir, mais me contente de
la contourner afin d’atteindre le cerisier qui, dans cette élucubration
enfantine comme dans la réalité, demeure ce qu’il est (un cerisier), à la
différence près que dans mes divagations, l’arbre possède des pouvoirs
mystérieux dont les fruits, tels des talismans rubis et sucrés, procurant des
vertus héroïques et magiques : invisibilité, force herculéenne ou
immortalité »
Presquîle
– Vincent Jolit – Editions Fayard – Août 2017
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